" Celui qui m'a vu a vu le Père. "

   CINQUIEME DIMANCHE DE PAQUES

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 14, 1-12

 

 A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : «Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ? Quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi ; et là où je suis, vous y serez aussi. Pour aller où je m'en vais, vous savez le chemin.» Thomas lui dit : «Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas ; comment pourrions-nous savoir le chemin ? Jésus lui répond : «Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Dès maintenant vous le connaissez, et vous l'avez vu.» Philippe lui dit : «Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit.» Jésus lui répond : «Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m'a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : Montre-nous le Père ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; mais c'est le Père qui demeure en moi et qui accomplit mes propres œuvres. Croyez ce que je vous dis : je suis dans le Père et le Père est en moi ; si vous ne croyez pas ma parole, croyez au moins à cause de mes œuvres. Amen, amen je vous le dis : celui qui croit en moi accomplira les mêmes œuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père.»

oOo

Au dieu inconnu

L'apôtre Paul arrive un jour à Athènes qui, à l'époque, était la capitale mondiale de la culture. Il se promène dans les rues, et voilà que, sur la place publique, on lui demande de prendre la parole. Avec une certaine ironie, il va dire aux Athéniens : « Vraiment, en me promenant dans les rues de votre cité, j'ai constaté que vous êtes les plus religieux des hommes. Partout, j'ai trouvé des temples, tous plus grandioses les uns que les autres ; des statues de vos dieux, de vos déesses. Vous avez même érigé un autel au dieu inconnu, pour être sûrs de ne pas en oublier. Paul fait cette réflexion ironique en bon juif qu'il est, pour qui il n'y a qu'un Dieu, l'Unique, pour lequel il n’y a qu'un seul Temple, au cœur de son pays, à Jérusalem. Un Dieu qui est esprit, et donc qu'on ne représente pas, ni par des statues, ni par des peintures ; un Dieu dont on ne prononce même pas le nom ; un Temple qui est le lieu de la rencontre entre Dieu et son peuple. Avant que Salomon n'érige le Temple, il y avait la « Tente de la Rencontre », qui abritait l'Arche d'Alliance. C'est là qu'on vient retrouver, rencontrer le Seigneur. Il suffit de relire un certain nombre de psaumes, notamment les « psaumes des montées » pour imaginer l'enthousiasme des Juifs quand ils approchaient de Jérusalem, lors de leur pèlerinage, une ou deux fois par an, et qu'ils apercevaient, sur la colline, le Temple magnifique où ils venaient prier Dieu

Communication rétablie

Or, lorsque Jésus chasse les vendeurs du Temple (vous connaissez cet épisode de l’Évangile) ses interlocuteurs lui demandent de quel droit il fait cela. Jésus fait cette réponse assez énigmatique : « Détruisez ce temple et je le rebâtirai en trois jours. » Les Juifs s'exclament : « Comment ! Il a fallu quarante-six ans pour bâtir le Temple (et encore, il n’était pas entièrement achevé au temps de Jésus), et toi, tu le rebâtirais en trois jours ! » Jean l’Évangéliste prend la peine de nous expliquer que Jésus parlait du temple de son corps. C'est lui, Jésus, qui est Dieu-qui-communique avec les hommes. Il est le lieu de la rencontre. Désormais vous pouvez voir et entendre Dieu grâce à Jésus, Dieu-fait-homme. Jésus est le temple de Dieu parce que son corps permet à Dieu de communiquer avec nous. Pour le moment, je communique avec vous par ma bouche, mes mains, mes yeux, par tout mon corps. Il en est de même pour Dieu. Lorsque Philippe, qui n'a rien compris, comme les onze autres d'ailleurs, dit à Jésus : « Montre-nous le Père et cela nous suffira pour croire », Jésus découragé le rabroue : « Il y a si longtemps que tu es avec moi ! Qui me voit, voit le Père. » Jésus, c'est Dieu fait homme, Dieu qui nous parle.

Aujourd'hui

Très bien ! Mais aujourd'hui ? Dieu, personne ne le voit. Jésus, personne ne peut plus le voir, ni l'entendre, du moins directement, comme ses disciples pouvaient l'entendre. Alors ? Comment rencontrer Dieu ? A cette question, les apôtres répondent unanimement : on ne peur rencontrer Dieu qu'à travers les chrétiens baptisés. « C'est vous, dit saint Paul, qui êtes le corps du Christ. » C'est-à-dire : c'est grâce à vous que le Christ peut aujourd'hui communiquer avec les hommes. Saint Paul encore : « Vous êtes le Temple de Dieu. » Le Temple de Jérusalem, c'est fini. Les beaux temples d'Athènes, de Rome, d'Agrigente ou d'Angkor, cela ne sert à rien. C'est vous, collectivement, qui êtes le temple de Dieu, le seul lieu de rencontre entre Dieu et les hommes. Et l'apôtre Pierre va »enfoncer le clou », vous l'avez entendu, en nous disant : « Vous êtes les pierres vivantes de cet édifice. » Que veut-il dire ?

Pierres vivantes

Des pierres, on en besoin pour bâtir une maison. Le maçon choisit ses pierres, les assemble, et, s'il veut faire une voûte, il va choisir une « clé de voûte », une « pierre d'angle » grâce à laquelle l'ensemble tiendra. Le Christ est la pierre d'angle qui fait tenir tout l'édifice. Mais vous êtes, chacun de vous, l'une des pierres. Pas une pierre inerte, mais une pierre vivante. Comment donc nous, chrétiens, allons-nous pouvoir être les pierres vivantes de cet édifice qu'est l’Église ? Premièrement, à l'usage interne, en faisant preuve d'initiative. La première lecture de ce jour rapporte un des premiers conflits qui ont eu lieu dans la communauté primitive de Jérusalem. Un conflit qui a des racines d'ordre racial et culturel. Conflit entre des chrétiens d'origine juive et des chrétiens d'origine grecque. Vous le voyez, les phénomènes racistes ne sont pas d'aujourd'hui. Et on discute. Et on fait des propositions. Enfin on vote. Et ce qui en résulte : une initiative. On choisit sept hommes chargés de mieux gérer l'affaire. Vous voyez comment les « pierres vivantes » de l’Église primitive vont innover, faire preuve d'imagination, pour trouver une solution sans regarder vers le passé, simplement en faisant preuve d'initiative. C'est comme cela qu'on est « pierres vivantes ». Vous l’Église qui est dans cette localité, si vous êtes des gens passifs, si vous êtes uniquement des consommateurs, vous n'êtes pas des pierres vivantes.

Peuple de prêtres

Deuxièmement, à usage externe, Pierre dit : « Vous êtes le sacerdoce royal. » Le Concile Vatican II a remis cette expression en honneur dans sa constitution sur l’Église en expliquant que les chrétiens sont collectivement un « peuple de prêtres », un peuple tout entier sacerdotal, dans lequel il y a des ministères propres. Un peuple de prêtres, « chargé d'annoncer au monde la merveille de l'amour de Dieu. » Chargé de re-présenter le Dieu Amour au monde d'aujourd'hui. De le rendre présent à ce monde. Chacun de nous personnellement est chargé de cette mission, mais nous tous collectivement d'abord. Pour cela, il faudra que nous soyons de ceux qui libèrent, de ceux qui cherchent à promouvoir l'homme, de ceux qui cherchent à réconcilier, de ceux qui cherchent à faire la paix. L’œuvre de Dieu, en somme.

Vous voyez quelle est notre responsabilité ! Elle est énorme. Vous voyez aussi quelle est notre grandeur, notre fierté : nous sommes les « pierres vivantes » du Temple nouveau.

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