Viens, Esprit Saint

                 LA PENTECOTE

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 20, 19-23 

         C'était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d'eux. Il leur dit : "La paix soit avec vous !" Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.

Jésus leur dit de nouveau : "La paix soit avec vous ! De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie." Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit : "Recevez l'Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus."

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« Aussitôt Jésus en allé, nous avons eu vent de lui » ! En effet, 10 jours après l’ascension nous fêtons la pentecôte, cette fête qui à l’origine commémorait le don de la Loi au peuple hébreu, 50 jours après leur sortie d’Egypte. Cette fête chrétienne nous invite à célébrer le don d’une nouvelle loi : celle de l’Esprit-Saint : elle n’est plus extérieure à nous comme un youpala[1] pour nous aider à marcher, mais elle est une loi intérieure qui, comme un souffle, nous aide à marcher par nous-mêmes.

 Le moine-poète François Cassingena, à qui j’ai emprunté cette superbe phrase, a bien raison : il s’agit désormais de laisser le Christ faire son œuvre en nous, mais sous la forme du vent, du souffle intérieur ! Car c’est bien de vent et de souffle dont il est question dans les textes d’aujourd’hui :

Le vent qui sait être violent dans le récit de la pentecôte (1ere lecture) quand il est nécessaire de déverrouiller ce qui a besoin de l’être en nous, car nous ne pouvons pas nous sauver nous-mêmes. Ce souffle et ce vent sont nécessaires à notre vie, sans quoi nous étouffons. La seule chose à faire est de décider de tendre notre voile intérieure, vous savez, cette âme qui est souvent toute recroquevillée en nous à force de ne pas servir parce qu’on a oublié que nous étions des êtres spirituels. Eh bien cette âme attend le souffle saint, le vent de l’Esprit pour se déployer et étendre toute sa voilure !

Il suffit pour cela d’offrir une toute petite partie de notre âme au vent de l’Esprit, et vous la verrez alors se déployer et  vous serez étonné de sa taille ! Alors ce sera le vent qui vous poussera et vous n’aurez plus à ramer. En effet, si un jour vous vous dites : « qu’est-ce que je rame en ce moment », demandez-vous si vous avez tendu la voile ! Car c’est l’Esprit qui nous pousse bien mieux et bien plus fort que lorsque nous essayons d’avancer avec nos propres forces !

Mais ce souffle a une autre vertu : il est nécessaire pour attiser le feu, et ne pas qu’il s’étouffe. Tiens, tiens, il est question aussi de feu dans le récit de la pentecôte ! « Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d'eux. Alors ils furent tous remplis de l'Esprit Saint : ils se mirent à parler en d'autres langues, et chacun s'exprimait selon le don de l'Esprit. » Ce vent attise le feu intérieur et donne aux disciples de Jésus un langage de feu, qui les rend audibles et compréhensibles auprès de tous ceux qui les écoutent ! Ce langage est celui de l’Amour, un langage qui aime ceux à qui il s’adresse, un langage qui touche le cœur et non les neurones du cerveau, comme le dit Jean Sulivan, « inutile de parler de résurrection si les mots ne sont pas ressuscités, si la joie ne bat pas des ailes dedans ! » Voilà ce que sont ces langues de feu, c’est un langage brûlant qui provient de l’amour intérieur attisé par le souffle de l’Esprit.

Mais ce travail du souffle-Saint dans le cœur des disciples n’est pas seulement pour leur propre bien-être, mais pour le bien de tous ! C’est exactement ce que dit St Paul dans son épitre aux Corinthiens, (2ème lecture), à  savoir que « chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous » et c’est pourquoi Jésus envoie aussitôt ses disciples en mission après leur avoir donné son Esprit : « De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie. Recevez l'Esprit Saint et tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. »: Quelle confiance Jésus nous fait là ! Vous vous rendez compte que l’expansion de l’Amour de Dieu dépend désormais des hommes qui grâce à l’Esprit-saint vont pouvoir pardonner, c’est-à-dire faire que l’Amour l’emporte sur la vengeance et que le pardon soit plus fort que la rancune ! Oui, nous avons le pouvoir d’aimer jusque-là grâce au souffle Saint !

C’est ainsi que nous manifesterons l’Esprit comme nous y invite St Paul : « chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous ». Il faut donc que ce travail de l’Esprit soit manifeste, visible, tangible. C’est une invitation à interpréter l’Esprit comme on le dit d’un musicien qui interprète une œuvre musicale : il s’agit de laisser l’Esprit s’incarner en nous, passer par nous pour qu’il puisse désaltérer (encore un mot de st Paul dans la 2ème lecture) tous ceux qui ont soif de vie et d’amour. Oui ayant « été désaltérés par l'unique Esprit », nous pourrons alors désaltérer tous ceux et celles qui ont soif de vie et d’amour en leur offrant de l’amour par-dessus le marché, sans calculer, gratuitement, tout simplement parce qu’il débordera de nous.

Oui ceux qui pardonnent sont les guérisseurs de l’humanité. Plutôt que de ressasser l’offense subie, plutôt que de rêver de revanche ou de vengeance, ils arrêtent le mal à eux-mêmes. Pardonner c’est l’acte le plus puissant qu’il soit donné aux hommes d’accomplir. Les êtres blessés qui pardonnent transforment leur propre blessure et guérissent la violence qui défigure le visage de l’humanité depuis ses origines. C’est bien ainsi que nous pouvons entendre le mot « désaltéré » : l’Esprit désaltère, c’est-à-dire qu’il enlève en nous les altérations, ce qui nous abîme ou nous défigure. Quelle puissance !

Comme dans l’Evangile, Jésus n’attend pas que nous allions bien et que nous soyons libérés de nos peurs pour être présent en nous, mais il nous rejoint au cœur même de nos enfermements pour y souffler sa vie en abondance, nous réchauffer, nous refaire à son image, nous oxygéner, nous faire avancer, et parler de Lui avec le feu de son Amour en nous. Alors, en cette fête de la pentecôte, « aussitôt Jésus en allé, je vous souhaite d’avoir toujours vent de lui ».

Bonne fête de la Pentecôte.

Gilles Brocard


[1] le youpala est un trotteur sur roulettes qui permet au bébé d’apprendre à marcher en étant soutenu, mais il devra apprendre à s’en passer s’il veut un jour, pouvoir marcher par lui-même.

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