"Celui qui mange de ce pain vivra éternellement."

    LA FETE DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST

 

Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 6, 51-58 

Après avoir multiplié les pains, Jésus disait à la foule : "Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel ; si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c'est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie." Les Juifs discutaient entre eux: "Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ?" Jésus leur dit alors : "Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m'a envoyé, et que moi, je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi. Tel est le pain qui descend du ciel : il n'est pas comme celui que vos pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange de ce pain vivra éternellement."

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En ce jour où nous célébrons plus particulièrement le Corps et le Sang du Christ, livrés, donnés pour notre vie, je voudrais faire porter notre réflexion sur deux mots que l'on emploie quand on parle de l'Eucharistie : les mots "mémoire" et "mémorial".

Mémoire vive

Vous avez tous eu entre les mains, et vous vous servez journellement d'un de ces petits téléphones mobiles disposant aussi des fonctions d'un assistant numérique personnel. Il peut ainsi fournir les fonctionnalités d'agenda, d'appareil photo, de calendrier, de calculatrice et même de GPS, etc. C'est tout petit, mais ces téléphones mobiles offrent des possibilités remarquables. La plupart d'entre eux, même à un prix très bas, ont des mémoires. Vous pouvez emmagasiner dans votre téléphone minuscule toutes les opérations que vous venez de faire, et elles vous les restituent quand vous le désirez. Le téléphone de poche devient une partie importante de notre propre mémoire. On trouve ainsi des "mémoires", non seulement dans les ordinateurs, mais dans quantité d'objets d'usage courant, et même dans les appareils de photo. Notre mémoire personnelle est amplifiée par une foule d'appareils électroniques. Et si je me demande à quoi servent ces mémoires additionnelles, je peux répondre qu'elles servent à mieux vivre, à vivre plus facilement notre présent. Quand on parle de mémoire, on pense automatiquement au passé : la mémoire, c'est d'abord le souvenir de ce qui s'est passé. Mais en fait, si je réfléchis bien, ma mémoire est indispensable pour aujourd'hui. Et elle me sert également à faire des projets pour demain. Si bien que je peux dire que ma mémoire est vraiment l'instrument indispensable pour vivre l'aujourd'hui et en même temps pour faire des projets.

Souviens-toi

Le texte du Deutéronome que nous lisons aujourd'hui commence par ces mots : "Souviens-toi." Tout au long du livre, le mot revient très souvent. Pourquoi  ? Parce qu'à l'époque de sa rédaction, le peuple juif était bien installé dans la Terre Promise et qu'il risquait d'oublier les événements fondateurs : l'Exode, la longue marche au désert, l'alliance au Sinaï. Ils étaient en train de s'installer, au sens péjoratif du terme : de s'encroûter. Et Dieu leur demande de se souvenir. Il a tiré son peuple de l'esclavage d'Egypte, en un temps où il était menacé de génocide. Ensuite, ils ont marché pendant quarante ans dans le désert. En bon éducateur qu'il est, Dieu a voulu que son peuple connaisse l'errance, la pauvreté, qu'il sache ce que c'est que d'être dépendant, pour que, plus tard, il se souvienne. Que la leçon du passé lui serve aujourd'hui et lui permette de se remettre en route. Alors que toutes les tentations d'engourdissement sont là. Voilà à quoi sert la mémoire : à tenir debout aujourd'hui et à avancer demain.

Mémorial

J'en viens au mot "mémorial". C'est une réalité propre au peuple Israélite, je crois. Elle n'existe pas chez les autres peuples. Le "mémorial", ce sont les rites, les gestes, les paroles qui permettent de "faire mémoire", c'est-à-dire d'évoquer le passé et de le vivre comme si c'était du présent. Exemple : la Fête des Tentes, chez les Juifs. Chaque année, on sortait de ses maisons et on allait coucher sous la tente. On se faisait des abris, des huttes de branchage si on n'avait pas de tente. Pourquoi ? En souvenir du temps où les ancêtres avaient été un peuple de nomades, pendant quarante ans, dans le désert. On revivait cette situation, pas en pensée, mais physiquement. On couchait sur la dure. C'était une fête pleine de joie : c'était comme un réveil, une renaissance, un printemps, un retour aux origines. On faisait mémoire d'un événement passé, mais on le vivait au présent, pour réapprendre à mieux vivre après. C'est cela, le mémorial.

Faisant ici mémoire

Eh bien, c'est ce que nous faisons quand nous célébrons l'Eucharistie. Chaque dimanche, vous entendez : "Faisant ici mémoire." La messe, c'est un mémorial, c'est-à-dire des gestes, des paroles qui rappellent un événement d'autrefois, la mort et la résurrection de Jésus,  mais que nous voulons re-présenter, rendre présent aujourd'hui. Un événement que nous célébrons comme actuel. Nous jouons réellement, comme les Juifs jouaient le coup des tentes, nous jouons le dernier repas de Jésus. Le prêtre dit les mêmes paroles, fait les mêmes gestes que le Christ. Et ce n'est pas de l'autrefois. Certes, on fait mémoire d'un passé, mais c'est aujourd'hui que le Christ nous invite à sa table, que nous sommes invités à partager les sentiments qu'avait le Christ ce soir-là.

C'est aujourd'hui que nous "faisons mémoire" du grand geste d'amour du Christ. Et nous le vivons en pensant que nous le vivrons demain. Si nous le voulons. Il faut le vouloir. Comme des êtres partagés. Comme des êtres donnés. Comme des hommes, des femmes, des jeunes qui acceptent de se laisser manger.

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