Prenez et mangez
LE SAINT-SACREMENT
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 6, 51.58)
En ce temps-là, Jésus disait aux foules des Juifs :
« Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel :
si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement.
Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »
Les Juifs se querellaient entre eux :
« Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
Jésus leur dit alors :
« Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme,
et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ;
et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi,
et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé,
et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi.
Tel est le pain qui est descendu du ciel :
il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ;
celui qui mange ce pain vivra éternellement. »
Homélie :
En cette fête du Corps et du Sang de Jésus-Christ, les lectures de ce jour nous donnent l’occasion d’approfondir le sens de ce que nous faisons parfois trop habituellement : communier au Corps et au Sang du Christ.
La 1ere lecture tirée du livre du deutéronome nous dit par deux fois de « ne pas oublier » ou (ce qui revient au même) « de nous souvenir » : c’est la première disposition importante pour bien vivre l’eucharistie : faire mémoire ! En effet, seule la mémoire permet de faire de sa vie une existence à partir d'événements qui semblent être étrangers les uns aux autres. Car la mémoire permet de relire son passé, pour mieux vivre son présent et envisager un avenir. La mémoire permet de déceler le fil rouge, la cohérence qui traverse notre vie et elle nous en donne le sens. Car c’est toujours dans une histoire particulière que Dieu se dit et continue de se dire aujourd’hui. Ainsi pour communier à Sa Présence, il est important de faire mémoire de son œuvre dans notre vie : repérer nos sorties d’esclavages, nos libérations personnelles, nos traversées du désert et nos arrivées en terres promises ; il est bon en effet de ne pas oublier ce que Dieu a fait pour nous, surtout dans les moments difficiles, de se rappeler la fidélité de Dieu à notre égard, un Dieu qui finalement, ne nous a jamais lâché ! Oui, comme le dit Moïse, souviens-toi, c’est Lui qui a fait jaillir l’eau dans la roche la plus dure de ton cœur, souviens-toi, c’est Lui qui dans les moments désertiques de ta vie, t’a aidé à tenir le coup en te nourrissant par le pain de sa Parole et de sa Présence au travers de personnes qui ont compté pour toi ! Se souvenir de Dieu, voilà la première attitude qui nous permet de communier pleinement à la vie divine.
La seconde attitude à laquelle nous invite la 1ere lecture, c’est la pauvreté ! En effet, pour recevoir quelqu’un, il convient qu’il y ait de la place chez nous, un peu d’espace qui ne soit pas rempli de nous-même et qui permet à l’invité de se sentir chez lui ! C’est ainsi que je comprends cette phrase : « Il t’a fait passer par la pauvreté » non pas que Dieu nous enverrait des tuiles pour savoir si nous avons foi en Lui, mais parce qu’Il nous aime et qu’il croit en nous, Dieu nous aide à faire de nos épreuves des occasions pour découvrir le fond de notre cœur comme Moïse le dit : « il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur ». Ce que les épreuves nous permettent de découvrir dans notre cœur, c’est un manque, une pauvreté, une faille, qui permet à Dieu de se loger pour nous aider de l’intérieur à faire face à nos épreuves. C’est par cette faille que Dieu s’insinue en nous pour faire son travail de soutien et de guérison. C’est tout le sens de la première béatitude : « heureux les pauvres jusqu’au fond du cœur, car Dieu peut y bâtir son royaume » !
Après la pauvreté et le faire mémoire, la troisième attitude pour communier pleinement au Dieu de la Vie, c’est l’attention à sa Parole. Moïse nous le rappelle : « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de tout ce qui vient de la bouche de Dieu ». C’est une invitation à communier à la Parole de Dieu, incarnée par Jésus, comme on communie au Corps et du Sang du Christ. Manger la Parole comme on mange le Corps du Christ ! la laisser nous nourrir, en la mâchant, en la digérant et en l’assimilant. Si le concile Vatican II a rétabli les deux tables de l’eucharistie c’est pour que nous n’oublions pas de nous nourrir des deux façons dont le Christ se rend réellement présent à nous à chaque eucharistie : la table de la Parole et la table de son Corps et de son Sang. Nous sommes donc invités à communier autant à l’une qu’à l’autre. Saint Augustin exhortait ses fidèles « à avoir autant d'attention envers la Parole de Dieu qu'à l'endroit du pain consacré ». Après les avoir félicités de leur attention au Pain devenu Corps du Christ, en en laissant tomber aucune miette, il les exhortait à avoir la même attention envers la Parole de Dieu, afin de ne pas en perdre une miette.
La quatrième attitude pour communier pleinement à la vie de Dieu révélée en Jésus-Christ nous est offerte par st Paul dans la seconde lecture : « Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain ». Il fait un parallèle étroit entre le Corps du Christ qui vient du pain consacré et le corps du Christ qui vient de l’Eglise rassemblée : nous partageons un seul pain parce que nous sommes un seul corps ! Maurice Zundel va même jusqu’à dire que c’est parce que nous sommes en communion les uns avec les autres que le Christ est présent réellement au milieu de nous et que nous pouvons communier à sa réelle Présence ! Madeleine Delbrel dit la même chose dans son livre « Communauté pour l’Evangile » : « Si des chrétiens vivent en communauté, c'est avant tout pour être ensemble une réponse au souhait d'amour que le Christ a fait aux chrétiens : on se réunit pour vivre, aussi loin qu'on peut aller, le vrai amour du Christ, le vrai amour des autres. « Si deux ou trois sont réunis en mon nom...je suis au milieu de vous » nous dit Jésus. (Mat. 18, 20). On se réunit pour faire UN avec le Christ qui peut changer le monde. (….) Pour que se fasse le Royaume de Dieu, il faut qu'il y ait unité : une communauté vivante, c'est un petit morceau du Royaume de Dieu. La présence du Seigneur dans la communauté devrait nous donner un profond respect pour elle : elle amène le Christ avec elle. Mais dès que l'amour mutuel est blessé, il y a une mise à la porte du Christ, pas seulement hors de la communauté, mais aussi pour les autres puisque le Christ n'est plus là. »
Ces paroles fortes de Madeleine Delbrel comme de Maurice Zundel commentant celles de St Paul, nous font comprendre que pour pouvoir communier au Christ, il nous faut être en communion les uns avec les autres. C’est pour cela que nous vivons ce rituel éminemment prophétique du geste de paix juste avant de communier. Communion signifie « commune union » entre nous et envers tous nos frères et sœurs en humanité. En nous reliant au Christ par la communion à son Corps, nous sommes donc forcément en lien avec tous ceux qui sont membres de son Corps, qu’ils soient vivants et morts, nous communions à la Vie de nos défunts, à la vie de nos familles, à la vie de tous les humains, et à la vie présente dans toute la création. Voilà notre mission commune (c’est le second sens du mot communion « cum munus ») : elle consiste à faire de ce monde un monde plus fraternel, plus humain, plus vivant grâce à tous les chrétiens qui, aujourd’hui, auront communié au Vivant et mieux compris que cela les engageait à faire de la communion autour d’eux. Alors au travail chers amis (ou chers paroissiens), le monde a besoin de communiants qui sachent communier à la Vie faire de la communion autour d’eux.
Amen
Gilles Brocard
oOo
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- Dernière mise à jour :
- 12 juin 2017