Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 2, 12-15 19-23
Après le départ des Mages, l'Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : «Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu'à ce que je t'avertisse, car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr». Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l'enfant et sa mère et se retira en Égypte, où il resta jusqu'à la mort d'Hérode. Ainsi s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète : «D’Égypte, j'ai appelé mon fils».
Après la mort d'Hérode, l'Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph en Égypte et lui dit : «Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, et reviens au pays d'Israël, car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l'enfant». Joseph se leva, prit l'enfant et sa mère, et rentra au pays d'Israël. Mais, apprenant qu'Archélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur de s'y rendre. Averti en songe, il se retira dans la région de Galilée et vint habiter dans une ville appelée Nazareth. Ainsi s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par les prophètes : «Il sera appelé Nazaréen».
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Sagesse ancestrale
En cette fête de la Sainte Famille, l’Église a choisi pour la liturgie des textes de l'Ancien et du Nouveau Testament qui sont de beaux textes. On trouve d'abord un texte de sagesse qui nous dit des choses intéressantes, même pour nous aujourd'hui, à condition de les accueillir. On nous dit, par exemple, que si tu respectes ton père et ta mère, tu seras toi-même respecté plus tard par tes enfants : sagesse populaire. On nous dit également que si nous respectons nos parents, nous aurons une longue vie. Rappelez-vous, les plus anciens parmi vous, le commandement de Dieu que vous avez appris dans votre jeunesse :
Tes père et mère honoreras
Afin de vivre longuement.On nous dit enfin, dans ce texte de Ben Sirac le Sage, qu'il faut respecter l'ancêtre, même s'il vient à perdre la tête ; ne pas se moquer de lui, lui manifester le respect auquel il a droit. Quant au texte de saint Paul que nous lisions ensuite, il est également plein de conseils de sagesse : se supporter mutuellement, ne pas énerver ses enfants et... (certaines dames ont dû sourire) « que les femmes soient soumises à leur mari. »
Le contexte historique
Évidemment, pour lire ces textes intelligemment, il faut les remettre dans leur contexte. Ils sont vieux de plus de vingt siècles, et ils ont été écrits au temps de ce que les sociologues appellent « la famille patriarcale », qui a duré jusqu'au XIXe siècle en Occident, où l'homme, le mâle, est le chef incontesté, détenteur du pouvoir absolu, objet de respect inconditionnel. Nos textes bibliques portent tous la marque de ce type de société. Il faut le savoir, et ne pas s'offusquer de ce qui heurte aujourd'hui notre mentalité d'occidentaux, vivant dans un autre type de société. Après la « famille patriarcale », il y a eu ce que les historiens appellent « la famille bourgeoise », un type de société qui, lui-même, est en train de disparaître sons nos yeux.
Aujourd'hui
Aujourd'hui ? Nous assistons peut-être à une vague anti-familiale. De multiples indices (multiplication du nombre des divorces, familles monoparentales, baisse de la natalité dans de nombreux pays, cohabitation (pas seulement juvénile) sont là sous nos yeux, qui nous font envisager une mutation profonde. Je crois sincèrement que les chrétiens se doivent de résister à cette vague, par tous les moyens, et surtout par leur attitude personnelle et dans leur vie de couple. Nos familles ne sont pas parfaites. Elles sont le fruit d'un certain type de société, de circonstances politiques, économiques, culturelles, qui font de nous ce que nous sommes, au moins dans une certaine mesure. Mais, qu'on le veuille ou non, la famille est ce qu'il y a de mieux, de plus efficace, pour promouvoir l'amour : elle repose sur des liens fondamentaux, de chair et de sang.
Apprentissage
En effet, la famille, c'est la lieu où l'être humain apprend l'amour. C'est au sein de la famille que l'enfant reçoit les premiers interdits, qu'il connaît les premiers conflits, qu'il acquiert donc une certaine aptitude à l'amour. C'est dans la relation parents-enfants, conditionnée elle-même par la relation homme-femme, que l'être humain se construit. Et c'est par le jeu de ces relations homme-femme et parents-enfants que Dieu crée à son image. Cela peut rater, quand il n'y a pas assez d'amour par exemple. Vous voyez donc l'enjeu : par la famille, l'homme se relie à l'univers tout entier. Que l'univers parental soit un monde d'ouverture et de confiance, ou de fermeture et de défiance, et tout bascule?
Sainte Famille
Venons-en à notre Évangile. Il nous dit, en cette fête de la Sainte Famille, une drôle de famille : la famille de Jésus. Un fils unique, un garçon qui à l'âge de douze ans fait une fugue, un enfant incompris de ses parents. Quant aux relations entre époux ? Mais cependant, les évangiles nous disent tous une chose importante : dans cette famille, tout est centré sur l'enfant. En fonction de lui on est obligés d'émigrer, puis on revient et on s'installe en Galilée. Les parents n'ont pas de vie à eux. C'est tout le contraire du type de famille universellement connu à cette époque-là, où l'enfant ne comptait pas, et où tout dépendait du chef de famille. Par sa façon de vivre, cette famille ouvre nos familles humaines sur des réalités qui dépassent la nature. Tout enfant est « fils de Dieu », tout couple est « image de Dieu », toute famille peut et doit devenir une cellule du « Royaume » que Jésus a inauguré : un monde de paix, de vérité, de justice et d'amour. L'amour de la famille devrait se communiquer au monde entier.
Oui, si nous le voulons, nos familles deviendront des « bases de départ » pour que les jeunes, dans la grande aventure humaine, deviennent des hommes et des femmes qui tiennent debout, annonçant par leur vie que l'amour existe.