Ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi

   LA SAINTE FAMILLE (C)

 

 Évangile de Jésus Christ selon saint Luc. 2, 41-52

 

Chaque année, les parents de Jésus allaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Quand il eut douze ans, ils firent le pèlerinage selon la coutume. Comme ils s'en retournaient à la fin de la semaine, le jeune Jésus resta à Jérusalem sans que ses parents s'en aperçoivent. Pensant qu'il était avec leurs compagnons de route, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances. Ne le trouvant pas, ils revinrent à Jérusalem en continuant à le chercher.

C'est au bout de trois jours qu'ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l'entendaient s'extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. En le voyant, ses parents furent stupéfaits, et sa mère lui dit : " Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi ! " Il leur dit : " Comment se fait-il que vous m'ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C'est chez mon Père que je dois être. " Mais ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait.

Il descendit avec eux pour rentrer à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait tout cela dans son cœur. Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes.

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Questions

Quand le pape Léon XIII, à la fin du XIXe siècle, instaura la fête de la Sainte Famille, et quand le pape Pie XI, en 1921, étendit à l'Église universelle cette célébration, ils voulaient essentiellement que les chrétiens prennent pour modèle la sainte famille de Nazareth ; ils pressentaient sans doute les graves menaces qui commençaient à s'accumuler sur les familles, menaces qui n'ont fait que se préciser jusqu'à nos jours. Que nous soyons donc invités à réfléchir sur les évolutions de l'institution familiale; c'est normal. Mais on peut se demander si une célébration liturgique est le meilleur moyen pour introduire cette réflexion. Comme on peut se demander si les textes bibliques qui nous sont proposés aujourd'hui sont les meilleurs supports pour cette réflexion. D'une part ils ont été écrits dans un contexte social et culturel totalement différent de celui que vivent nos familles actuelles. Et d'autre part, je crois qu'ils n'ont aucunement l'intention de présenter un quelconque modèle familial

Un épisode significatif

Il en est ainsi de ce récit évangélique qui nous rapporte un épisode de l'enfance de Jésus : sa deuxième montée au Temple de Jérusalem pour la pâque à l'âge de 12 ans et la manière dont il disparut pendant trois jours avant que ses parents ne le retrouvent. Si l'on s'arrête aux termes de l'événement lui-même, il y a certes déjà matière à réflexion (nous allons y revenir) mais ce n'est pas suffisant. Il faut aller beaucoup plus loin pour y trouver, non pas un enseignement moral concernant la famille, mais une tout autre annonce : une « Bonne Nouvelle ».

Sobriété

Pour cela, il faut d'abord préciser en quoi les récits de l'enfance du Christ – deux chapitres chez Matthieu et deux chapitres chez Luc – constituent un genre littéraire particulier, différent du reste de leurs évangiles, mais qui se présentent comme des prologues, des introductions à tout leur évangile. Un peu comme, dans un film, un générique : les premières images capables de synthétiser l'ensemble du scénario. Pour nous en tenir à Luc, ces deux premiers chapitres sont composés en mettant en parallèle Jésus et Jean Baptiste. De l'annonce de leur naissance miraculeuse à leur jeunesse. Luc, (comme Matthieu d'ailleurs) est particulièrement avare de détails concernant leur enfance. Luc ne fait que mentionner la présentation de l'enfant Jésus au Temple, son accueil par les deux vieillards Syméon et Anne, puis l'épisode que nous venons de lire, rapportant le pèlerinage de Jésus à Jérusalem à l'âge de 12 ans. Entre ces deux événements, rien. Si vous voulez apprendre quelque chose de l'enfance du Christ, vous n'avez droit qu'à cette dernière phrase où, après nous avoir dit qu'il était soumis à ses parents, Luc ajoute que Jésus «  grandissait en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes. »

Révélation

Pourquoi cette discrétion des évangélistes ? Simplement parce que les évangiles ne sont ni des chroniques, ni des reportages, ni des biographies, mais, comme leur nom l'indique, l'annonce d'une bonne nouvelle. Une annonce qui est condensée dans un fait : Jésus, Christ, que les hommes ont crucifié, Dieu l'a ressuscité. Pensez à cela en relisant l'évangile de cette fête de la Sainte Famille : tout y est allusion au destin de Jésus, à cette autre Pâque où il viendra en pèlerinage, où il discutera avec les docteurs de la loi, avec quelle compétence ! Où, après avoir été mis à mort, on le cherchera parmi les morts avant qu'on ne le retrouve au bout de trois jours. Luc a en tête ces événements fondateurs lorsqu'il écrit le prologue à son évangile, plus de quarante ans après, le récit de la fugue de Jésus à l'âge de 12 ans. Dans ce récit, il y a une autre indication signifiante : à Marie qui lui fait des reproches en lui disant : « Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi ! " Jésus répond: " Comment se fait-il que vous m'ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C'est chez mon Père que je dois être. " Nouvelle manière, propre à l'évangile de Luc, de souligner que Jésus n'est pas le fils de Joseph, mais qu'il est fils de Dieu, une réalité qui ne sera révélée que lors de sa résurrection.

Education réciproque

Si nous savons donc si peu de choses sur la sainte famille de Nazareth, ce qui nous en est simplement suggéré par Luc, suffit à ne pas vouloir d'emblée y chercher un modèle. Et surtout pas un modèle de famille où tout aurait été pour le mieux. La famille composée de Jésus, Marie et Joseph a probablement connu, comme toutes les familles, des hauts et des bas. Je suppose qu'elle a su les dépasser dans le respect mutuel et la reconnaissance des différences qui existaient entre eux. Il a fallu que la foi de Marie évolue : c'est ce que suggère Luc. Il a fallu que Jésus soit « soumis » à ses parents. Il a fallu que Joseph, dont on ne cite pas une seule parole dans les évangiles, accepte la mission discrète et si nécessaire qui lui était confiée. Dans cette famille, personne n'appartient à personne, et c'est en cela peut-être qu'elle est exemplaire. Car toute famille est le lieu d'une éducation mutuelle : des parents et des enfants.

Education réussie

En effet, toute famille, quelle qu'elle soit, est un lieu de passage. C'est à travers elle qu'on entre dans le monde. Mais il faut en sortir un jour, pour prendre sa propre place dans la société. L'enfant que refuse de s'en sortir a bien des chances de cacher quelque malaise , ou alors c'est que ses parents n'ont pas bien fait son éducation. Je vous le rappelle : le mot « éducation » signifie « faire sortir de... » En relisant notre évangile, j'ai le sentiment que Jésus a bien réussi son éducation : à douze ans, il manifeste par sa réplique à sa mère une réelle indépendance, grâce à une nouvelle appartenance. Ce qui ne l'empêchera pas d'être normalement « soumis » à ses parents. Les deux réalités ne sont pas contradictoires.

Il en est de même de la grande « famille humaine ». L'appartenance à un peuple, à une nation ne doit pas nous conduire à un nationalisme étroit et aveugle. Elle doit au contraire nous permettre de nous ouvrir sur les autres, ceux qui ne pensent pas ou qui ne vivent pas comme nous. En plus de notre sentiment d'appartenir à telle ou telle patrie, telle ou telle nation, il doit y avoir en nous le sentiments d'être tous « enfants du même Père ».

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Dernière mise à jour : 24 décembre 2012

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