THÉOLOGIE "POUR LES NULS"

 

Cette année 2008 : Chrétien ?

 

 


ADRESSE

Si j'ai choisi de vous entretenir cette année du christianisme, c'est que la question se pose, de façon de plus en plus aigué. Qu'est-ce qu'être chrétien ? Pourquoi être chrétien ?

Ces douze séquences que je projette de vous livrer cette année s'adressent donc à celles et ceux qui se posent la question. Ils sont de plus en plus nombreux, je crois, et c'est tant mieux. Pas seulement celles et ceux qui se disent croyants, mais aussi celles et ceux qui refusent les idées toutes faites, qui se demandent si leur vie a un sens ; ceux qui ne se contenteront jamais d'en rester à la foi de leur enfance, celles et ceux qui ne se contenteront jamais de formules stéréotypées..

Ceux-là - vous, sans doute - ne veulent pas d'une religion au rabais. Ils cherchent ce qu'est vraiment être chrétien. Pas seulement une théorie, mais un agir, un comportement. Au milieu du bouleversement de notre époque, nous chercherons ensemble ce qu'il y a de permanent dans la doctrine de l'Église, dans sa morale et dans sa discipline.

Nous chercherons  ce qui nous différencie des autres grandes religions et des humanismes modernes, mais aussi ce que nous avons en commun, chrétiens appartenant à des Églises chrétiennes séparées. Donc il s'agit de dégager ce qu'il y a d'essentiel et de particulier dans le programme de la pratique chrétienne. C'est, dépoussiéré, le même vieil Évangile, toujours nouveau. J'espère que cette recherche nous aidera à découvrir quelle est notre chance exceptionnelle d'être chrétien.
 

Rappel :

1e séquence : État des lieux (retour à l'homme) - Janvier 2008
2e séquence : La crise des humanismes - Février 2008
3e séquence : L'autre dimension - Mars 2008
4e séquence : le défi des religions mondiales - Avril 2008
5e séquence : la spécificité du christianisme - mai 2008
6e séquence : le Christ réel

juin 2008
7e séquence : le programme (1)
- juillet 2008
 (aux archives)

 

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8e séquence : Le Programme (2)

II - La cause de Dieu

(août 2008)


Notre question :

quel est le centre de la prédication et du comportement de Jésus ?

A quelle tâche s'est-il employé ?

Qu'a-t-il voulu véritablement ?

 

 

A - Le centre.

Jésus ne prêche pas pour lui-même. Il n'est pas venu pour dire : "Je suis le Fils de Dieu, croyez en moi !" La personne de Jésus s'efface devant la cause qu'il défend. Quelle cause ? Une seule phrase : la cause de Jésus est la cause de Dieu dans le monde. Et non pas, comme on le dit souvent aujourd'hui : c'est de l'homme qu'il s'agit. Il s'agit de l'homme parce que, pour Jésus, c'est de Dieu qu'il s'agit d'abord. 

Le royaume de Dieu.

Au centre de sa prédication : l'imminence du royaume de Dieu. Jésus parle du royaume de Dieu (ou du royaume des cieux, pour les Juifs qui n'osent pas prononcer le nom de Dieu), et non de l'Église. Ce royaume, c'est quoi ? Pas un territoire, un domaine où s'exerce un pouvoir, mais le gouvernement de Dieu, l'activité de Seigneur qu'il va assumer, le "règne de Dieu". Cette expression, extrêmement populaire au temps de Jésus, je l'ai déjà précisée. Résumons ce que nous en avons dit jusqu'à présent :

* Il ne s'agit pas seulement de la souveraineté permanente de Dieu. Mais du royaume de Dieu qui vient à la fin des temps.
* Il ne s'agit pas d'un pouvoir politico-religieux comme celui que les zélotes rêvaient d'imposer par la violence. Mais d'un règne immédiat et sans limites de Dieu sur le monde, un règne qu'il faut attendre sans recourir à la violence.
* Il ne s'agit pas d'un jugement de vengeance comme celui qu'attendaient les moines de Qumran. Mais d'un joyeux message de la bonté sans limites et de la grâce inconditionnelle de Dieu en faveur, précisément, des égarés et des misérables
* Il n'est pas un Royaume que les hommes édifieraient par l'exacte observance de la Loi et par une morale supérieure, mais d'un royaume que nous avons à accueillir, car c'est Dieu qui va le créer par un acte libre.

Plus précisément encore, ce royaume sera :

* Un royaume où le nom de Dieu sera sanctifié, où sa volonté se réalisera aussi sur terre, où les hommes auront toute chose en abondance, où toute faute sera pardonnée et tout mal vaincu.
* Un royaume où les pauvres, les affamés, ceux qui pleurent et sont écrasés auront enfin leur chance, où larmes, souffrance et mort auront un terme.
* Un royaume qu'on ne peut décrire  et dont seules les images peuvent donner l'idée : la nouvelle alliance, la semence qui lève, la moisson mûre, le grand festin, la fête royale.
* Par conséquent, et selon les promesses des prophètes, un royaume de justice totale, de liberté sans pareille, d'amour sans rupture, de réconciliation universelle, le paix éternelle.
* En ce sens, c'est le temps du salut, de la plénitude, de la présence de Dieu.

L'horizon apocalyptique.

"Que ton Règne vienne" Comme tous ceux de sa génération, Jésus a attendu le royaume de Dieu pour un avenir extrêmement proche. L'histoire doit toucher à sa fin au cours de cette génération même, qui est la dernière et qui vivra la fin soudaine et menaçante du monde, puis son renouvellement. Or il allait en être autrement, tout autrement.

Jésus a-t-il attendu l'irruption du royaume pour le moment de sa mort ? On n'en sait rien. Mais il est hors de doute que Jésus a attendu le royaume dans l'avenir immédiat. Les textes sont là, précis. On ne peut les écarter. L'expression signifie la souveraineté future de Dieu qui marquera l'achèvement du monde. Certes Jésus se refuse à en préciser la date. Mais il ne rejette pas cet événement à une date lointaine. Au contraire, Jésus attendait le royaume pour un jour très prochain. Il semble bien que Jésus, mais aussi l'Église primitive, puis l'apôtre Paul ont escompté que le royaume de Dieu viendrait de leur vivant.

Quand on relit attentivement le Nouveau Testament, on se rend compte du glissement qui s'opère dans les textes, au fur et à mesure que le temps passe. Les plus anciens textes disent "cette génération ne passera pas", puis quelques années plus tard, on trouve "quelques-uns" des auditeurs de Jésus qui vivront cet événement ; plus tard encore, c'est l'avènement de Jésus lui-même qui est présenté comme l'accomplissement du temps du salut : on parle de "l'avènement du Fils de l'homme". Enfin la 2e lettre de Pierre (l'écrit sans doute le plus tardif du Nouveau Testament) explique le retard déroutant du jour du Seigneur par la parole du psaume qui dit qu'aux yeux de Dieu " un jour est comme mille ans et mille ans sont comme un jour."

Il n'en reste pas moins vrai que Jésus a cru à la proximité immédiate du royaume de Dieu. D'où ses paroles sur l'inutilité de se soucier pour sa nourriture et son vêtement, sur la prière exaucée, sur la foi qui transporte les montagnes, sur la décision qui ne souffre aucun délai. C'est aussi ce que confirment les paraboles du royaume de Dieu : elles visent à préparer ses auditeurs à la venue du royaume. Un royaume pour lequel il vaut la peine de tout sacrifier, comme pour la perle précieuse ou pour le trésor caché dans un champ.

Alors ? Jésus n'est-il pas finalement qu'un prisonnier de l'apocalyptique qui régnait en son temps ? Ne s'est-il pas trompé ?

Une démythologisation indispensable.

Notons d'abord que pour beaucoup de spécialistes, la première apocalypse (qu'on trouve dans Marc) qui décrit les événements qui doivent se succéder à la fin des temps - profanation du Temple, faux prophètes, guerre, catastrophes naturelles, famine, persécutions - est à mettre au compte de l'Église primitive et non de Jésus. Rien de tout cela dans l'évangile de Jean. C'est propre aux synoptiques. Et c'était la mode dans tous les textes apocalyptiques de l'époque : on dressait une sorte de "compte à rebours", accumulant les indications chronologiques les plus précises pour composer la prédiction, et on ajoutait "que le lecteur comprenne !" Or contrairement à ces rédacteurs de l'apocalypse, Jésus ne cherche pas à satisfaire la curiosité humaine, à dater et à localiser le royaume de Dieu  de façon précise, à prédire le cours exact du drame final. Sa prédication est centrée sur l'essentiel. Pourtant la question reste la même : ne s'est-il pas quand même trompé ?

Prenons une comparaison. Le rédacteur du récit de la création du monde et de l'homme en six jours (dans la Genèse) s'est-il trompé, puisque plus tard, la description scientifique de l'évolution l'a désavoué ? Au XIXe siècle, puis au XXe siècle, cette découverte scientifique a déconcerté un certain nombre de chrétiens. Aujourd'hui encore, des fondamentalistes lisent le récit biblique sans croire à autre chose que la création en six jours. Heureusement, pour le plus grand nombre, ces découvertes scientifiques sont admises comme allant de soi. Et la cause qui importait à l'auteur de la Genèse - Dieu à l'origine de tout, la bonté de toute la création et la grandeur de l'homme - cette cause à  conservé tout son bien-fondé. Bien plus, elle a gagné en clarté d'être débarrassée de son vêtement d'époque.

La science admet que notre planète et notre humanité aient un commencement et une fin. On ne peut donc pas parler d'erreur quand la Genèse raconte le commencement du monde. La Bible s'ouvre par la création et annonce la fin comme l'achèvement de l'oeuvre de Dieu dans sa création. Les "premières réalités" comme les "dernières", le "temps des origines" comme le "temps de la fin" sont des réalités inaccessibles à l'expérience humaine : ils n'ont pas de témoins. La création comme l'achèvement ne peuvent, au fond, se raconter, se décrire qu'en images. La légende, le récit poétique servent à évoquer ce qui est inexprimable. Il ne peut s'agir ni de reportage ni de récit historique. Ces légendes, ces récits poétiques sont empruntés au milieu culturel de l'auteur, aussi bien pour la création que pour l'achèvement. Personne n'est assez naïf  pour croire aux étoiles qui tombent du ciel et aux anges qui sonnent de la trompette. Avec les images de l'apocalyptique qui leur est contemporaine, les auteurs annoncent la manifestation finale, définitive, du règne de Dieu.

Il s'agit donc, pour nous, de démythologiser, non pour éliminer, mais pour interpréter. Jésus s'est exprimé dans les cadres mentaux, avec les images de son époque. Il est resté dans le cadre d'une attente prochaine. Or celle-ci nous est aujourd'hui étrangère. La perspective actuelle nous conduit à dire, à propos de "l'attente imminente", qu'il s'agissait moins d'une erreur que d'une conception conditionnée par un milieu donné et liée à une époque donnée. Jésus a partagé la conception de ses contemporains, tout simplement. Il ne pouvait guère faire autrement. Ce qui importe, par contre, pour nous aujourd'hui, c'est uniquement de savoir si la pensée fondamentale de Jésus, si la question qui est au centre de sa prédication du royaume de Dieu ont encore un sens aujourd'hui, pour une humanité qui s'est accommodée de la poursuite, au moins provisoire, du cours de l'histoire. Ou, autre manière de poser la question : comment se fait-il que le message de Jésus ait gardé tant de force par-delà sa mort, par delà cette fin qui n'est pas venue; et même que ce message n'en soit devenu que plus pertinent ? En fait, cette continuité s'explique par la mort de Jésus, qui a représenté une fin bien précise ; mais également par sa vie et son enseignement. Une nouvelle distinction s'impose ici.

Entre présent et futur.

Si Jésus a parlé en parabole, c'est pour révéler "le mystère du royaume de Dieu" pas seulement aux disciples, mais à tout le peuple dans la mesure où celui-ci était capable de l'accueillir. Quel mystère ?

Une grande partie de ces paraboles nous dit une croissance du royaume. Cette croissance vient par l'action de Dieu, et dans cette venue, l'humble début s'oppose à la fin magnifique. Mais où  survient ce commencement, sinon justement avec Jésus ? Il est le semeur. Par sa parole aussi bien que dans ses actions. C'est grâce à elles que s'annonce déjà le royaume. C'est en lui, Jésus, que le nom de Dieu est déjà sanctifié, que la volonté de Dieu s'accomplit sur cette terre, que toute faute est pardonnée et que tout mal est vaincu. En Jésus, c'est le royaume de Dieu qui a déjà commencé, "au milieu de nous". En lui se construit le mystère du royaume annoncé dans les paraboles : il est en personne le commencement de la fin.

Quand on prend au sérieux chez Jésus son attente prochaine, il faut bien reconnaître que le commencement et la fin, le présent et l'avenir ne peuvent être dissociés. Jésus ne se soucie pas uniquement de l'avenir, comme s'il ne se souciait pas du présent ; mais également il ne présente pas une pure interprétation du présent et de l'existence qui n'aurait rien à voir avec un avenir absolu. Ses propos concernent l'avenir et le présent. Ils sont à considérer dans leur tension essentielle et irréductible. A l'arrière-plan de l'attente prochaine, il y a cette polarité du "pas encore" et du "pourtant déjà". Les propos de Jésus sur le futur royaume ont des conséquences directes pour la société présente ; mais à l'inverse, aucun propos sur le présent et ses problèmes n'est sans lien avec l'avenir décisif. Qui veut parler de l'avenir selon Jésus doit parler du présent, et vice versa. Pourquoi ?

* Parce que le royaume de Dieu n'est pas consolation pour le futur, comme l'ont pensé Feuerbach, Marx et Freud. C'est l'avenir lui-même qui renvoie l'homme au présent. Jésus a lancé un appel pour le présent, en vue de la fin. Les auteurs d'écrits apocalyptiques de son temps étaient préoccupés de la date exacte de l'événement. Jésus ne se soucie ni de la date ni de la manière dont interviendra le royaume. Mais il croit que l'accomplissement prochain est un fait absolument sûr. L'avenir est l'appel que Dieu adresse au présent. Il faut, dès maintenant, façonner sa vie en fonction de l'avenir absolu.

* En revanche, il ne s'agit pas de faire du présent un avenir absolu en lui sacrifiant l'avenir. Le présent est trop triste et trop ambivalent pour que, dans sa misère, il puisse être déjà le royaume de Dieu. Il n'est que commencé avec Jésus ; il doit aussi s'achever avec lui. Pour l'instant il est encore à venir. L'histoire a rendu caduque une attente prochaine dont on pourrait voir les signes dans certains événements actuels, elle n'a pas pour autant rendue vaine toute attente de l'avenir. Le présent est le temps de la décision à la lumière de l'avenir absolu de Dieu. La polarité entre le "pas encore" et le "pourtant déjà" crée une tension entre la vie de l'homme et l'histoire de l'humanité.

Dieu est en avant.

Une certitude : ce monde ne durera pas éternellement. La vie de l'homme et l'histoire de l'humanité ont une fin. Or le message de Jésus dit : au terme, il y a, non pas le néant, mais Dieu. Dieu qui est le fin comme il est le commencement. L'avenir appartient à Dieu. C'est à la lumière de l'avenir de Dieu qu'il faut façonner le présent de l'homme et de l'humanité.  Dès ce monde et dès aujourd'hui.

Cet avenir est à dévoiler et à remplir. Ce n'est pas une réalité future comme celle qu'imaginent les futurologues, à partir de l'histoire passée et présente. Non. L'avenir de Dieu est une réalité ultime, effectivement autre, qualitativement neuve, qui, cependant, annonce dès maintenant et par anticipation sa venue. Les chrétiens parlent à ce sujet d'eschatologie. Il y a un sens définitif de l'homme et du monde, librement proposé à l'homme. Rien à voir avec "l'éternel retour" imaginé par Nietzsche, rien d'absurde non plus : l'avenir est la chose de Dieu et c'est pourquoi, à la fin, se réalise l'accomplissement.

Quelque chose d'absolument neuf : un avenir réellement autre : c'est notre espérance, qui nous est commune avec le peuple d'Israël. Il ne s'agit pas du progrès envisagé par la technique, ni de la croissance organique de l'Église. C'est quelque chose de qualitativement nouveau , qui suscite une modification radicale des conditions actuelles. Il s'agit du royaume de Dieu. Ce n'est ni l'Église triomphaliste du Moyen Age ni la théocratie inventée à Genève par Calvin, ni le règne contemporain de la moralité et de la bonne culture bourgeoise, ni à fortiori le "Reich" millénaire des nazis, ni le royaume sans classes de l'homme nouveau des sociétés marxistes. Le royaume de Dieu ne résulte ni d'une évolution (ou d'une révolution) sociale. Ce royaume s'opère par l'action de Dieu. Une action à laquelle l'homme est invité à collaborer, qu'il est, au minimum invité à accueillir.

Il s'agit donc d'une dimension réellement différente : la dimension divine. Dieu en avant de nous. Il est le futur , celui qui vient, celui qui fonde l'espérance. Donc, on ne peut pas considérer comme définitif l'état actuel du monde et de nos sociétés : tout cela est incertain et précaire. L'homme est donc invité à se décider, en dernière analyse, et donc à consentir à la réalité de Dieu qui est en avant de lui. On est pour ou contre Dieu. C'est cela qu'on appelle la conversion. Il faut se décider, et ne pas reculer l'heure de cette conversion. C'est aujourd'hui qu'il s'agit de trouver la perle précieuse et le trésor dans le champ. Dès maintenant, tout est en jeu, la vie comme la mort. "Celui qui veut conserver sa vie la perdra, et qui la perdra la conservera." C'est le "beau risque de la foi", un abandon confiant au message, à Dieu lui-même.

On ne peut donc se réclamer de Jésus pour justifier véritablement le maintien du statu quo pour le temps et l'éternité, ni d'ailleurs un bouleversement social, violent et radical. Le plus ancien évangile, celui de Marc, condense le message de Jésus en une formule : "Le temps est accompli et le royaume de Dieu est proche. Convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle."

B - Des miracles ?

Jésus ne s'est pas contenté de parler, il a aussi agi. Ses actions, comme ses paroles, étaient porteuses d'une exigence. Mais nombre de ses actes occasionnent, pour nous et nos contemporains, beaucoup plus de difficultés que l'ensemble du message évangélique. Je veux parler particulièrement des miracles. Goethe disait que "le miracle est l'enfant chéri de la foi" ; aujourd'hui on pourrait dire, bien au contraire, que "le miracle est l'enfant terrible de la foi." Comment surmonter la tension entre l'intelligence scientifique du monde et la foi au miracle. Déjà les Pères de l'Église s'interrogeaient et précisaient que les miracles étaient un phénomène limité à l'époque de l'Église naissante. Attitude qui manifeste simplement l'embarras devant le miracle en général.

Dissimuler l'embarras.

L'idée même de miracle est une idée vague. On parle de miracle économique, des miracles de la technique : tout cela est à mettre au compte de l'homme, mais certainement pas de Dieu. Mais cela arrange certains théologiens : l'idée de miracle est tellement large qu'elle en perd toute incongruité. On voit le miracle partout. La libération d'une otage est pour elle un miracle. Elle le reconnaît pour tel. Mais alors, une avalanche qui fait une dizaine de victimes serait-elle un miracle tout autant que le sauvetage des alpinistes ensevelis ? Et dans une telle optique, de quel droit n'inscrire à l'actif de Dieu que les événements heureux, et non les catastrophes ? C'est ainsi qu'on camoufle facilement le véritable problème posé par les miracles qu'on trouve rapportés dans les évangiles.

Ces miracles sont-ils des faits historiques, au sens où l'on entend le mot miracle comme une infraction aux lois naturelles, une intervention surnaturelle de Dieu ? En tant que chrétien, est-on obligé de croire à de tels miracles ? Que nous dit la critique historique à propos de faits qui apparaissent impossibles au regard des sciences physiques ? Comment apprécier tous les miracles des évangiles. On peut en dresser la liste : des miracles de guérison (fièvre, paralysie, cécité, surdité et mutisme, épilepsie, hydropisie) des expulsions de démons, trois résurrections des morts, sept interventions sur la nature...

Pour bien des gens, ces miracles ne posent, même aujourd'hui, aucun problème. Mais d'autres personnes se heurtent à des difficultés face aux récits de miracles. A ceux-ci nous devons une totale sincérité en matière historique et théologique. Ils ne trouveront guère de secours auprès des fondamentalistes pour qui les récits évangéliques sont des faits historiques. Ni, d'ailleurs, auprès de ceux qui font le silence  sur les miracles et ne présentent que le message de Jésus. Les récits de miracles font bel et bien partie des éléments les plus anciens de la tradition. Si l'on veut passer pour un historien sérieux et un critique littéraire valable, on ne peut pas éliminer la moitié de l'évangile de Marc.

Pour les contemporains de Jésus, le problème était autre. Ils n'avaient pas la mentalité scientifique qui est la nôtre : ils ne s'intéressaient pas aux lois de la nature. Pour eux, tout événement par lequel Dieu manifeste sa puissance est considéré comme un miracle. Dieu, créateur de l'univers, est partout à l'oeuvre. Qu'il y ait des miracles, qu'il puisse y avoir des miracles, c'est un fait qui est purement et simplement admis. Mais au lieu de le considérer comme un événement qui enfreint les lois de la nature, le miracle est ce qui suscite l'émerveillement, ce qui dépasse le pouvoir habituel de l'homme, ce qui est inexplicable pour l'homme, ce qui cache une autre puissance. Que Jésus ait fait des miracles, c'est une donnée importante pour les évangélistes et pour leurs contemporains. Nul ne songeait à une explication scientifique ni à une vérification des miracles. Les récits de miracles ne doivent pas servir à la description, mais à l'admiration. Dieu a accompli de si grandes choses par un homme !

Ce qui est réellement arrivé

Ces récits ne sont donc ni des reportages en direct, ni des documents scientifiquement contrôlés, ni des procès-verbaux d'historiens, de médecins ou de psychologues ; ce sont des récits populaires, spontanés, qui veulent susciter un étonnement confiant. Alors, dans ces conditions, l'historien a-t-il encore quelque chose à dire sur les faits miraculeux de Jésus ? La réalité cachée derrière les récits populaires est-elle accessible, en somme ? Les fondamentalistes crédules voient des faits historiques dans tous les récits de miracles, alors que les rationalistes bornés ne prennent au sérieux aucun de ces récits. Alors ?

Je crois qu'il ne faut pas mettre tous les récits de miracles sur le même plan. Les exégètes qui font l'analyse détaillée des textes évangéliques discernent plusieurs genres littéraires dans ces récits. Certains miracles ont des antécédents dans l'Ancien Testament, en particulier les miracles de la sortie d'Égypte et ceux d'Élie et Élisée. Il existe, disent-ils, des schémas communs aux récits juifs ou grecs dans la manière de rapporter les miracles, tandis que des tendances particulières s'affirment chez les auteurs : tendance à accentuer le merveilleux, surtout chez Jean, ou tendance à stéréotyper, chez Matthieu par rapport à Marc. Mais en dépit de leur scepticisme face à certains récits, les exégètes les plus critiques admettent aujourd'hui qu'on ne peut récuser comme non historique l'ensemble des récits de miracles. Voici quelques-unes de leurs conclusion :

- Des guérisons de maladies diverses ont sans doute eu lieu, qui paraissaient étonnantes à l'époque : maladies d'ordre psychique dans un certain nombre de cas, ou psychosomatiques, dans le cas d'affections cutanées. Les affrontements à propos du sabbat, historiquement incontestables, ont rapport à des guérisons. Et puis, de nos jours, maintes guérisons restent médicalement inexplicables, et la médecine actuelle qui admet plus que jamais le caractère psychosomatique d'une grande partie des maladies, reconnaît des guérisons inexplicables, étonnantes, dues à des influences psychologiques exceptionnelles, à une confiance éperdue, à la "foi". En revanche, la plus ancienne tradition évangélique rapporte des cas où Jésus - par exemple à Nazareth - n'a pu opérer un seul miracle, parce que la foi et la confiance faisaient défaut. Les guérisons opérées par Jésus n'ont rien à voir avec la magie, qui manipule l'homme contre sa volonté. Elles sont plutôt un appel à la foi.

- En particulier les contemporains de Jésus ont sans doute assisté à des guérisons de "possédés". Ceux qu'on désignait sous cette appellation étaient nombreux à l'époque où il n'existaient pas d'établissements pour les aliénés : ils vivaient au milieu de la population. Ces déments, ou ces épileptiques, ou ces débiles mentaux étaient tous considérés plus ou moins comme des "possédés". Car l'époque vivait dans la peur des démons. Longtemps le peuple hébreu n'y avait pas cru ; ce n'est qu'au contact des Perses qu'était apparue cette croyance aux anges et aux démons, dans une religion dualiste où Satan était le rival de Dieu. Jésus ne manifeste aucun signe de ce dualisme, de cette croyance en deux dieux rivaux, celui du Bien et celui du Mal. Il annonce la souveraineté  absolue de Dieu. Les guérisons et expulsions de démons opérées par Jésus sont le signe que le règne de Dieu est proche. Jésus, dit Luc, "voit Satan tomber comme l'éclair". Le royaume de Dieu est une oeuvre de santé publique.

Ce qui a été transmis

Dans cette perspective, il ne faut pas s'étonner qu'au cours d'une transmission orale de quarante à soixante-dix ans, ce qui s'est passé en fait ait été amplifié, enjolivé, exagéré, comme il est courant - et pas uniquement en Orient - dans la diffusion de récits.

- La tradition originelle a certainement subi des modifications. Des récits ont été doublés (deux pêches miraculeuses, deux multiplications des pains), les chiffres s'élèvent (un aveugle, deux aveugles ; un possédé, deux possédés ; quatre mille, puis cinq mille bénéficiaires de la multiplication des pains ; sept, puis douze corbeilles de restes). D'autres éléments pourraient être dus au plaisir d'enjoliver et d'exagérer : ainsi, sans doute de la blessure du serviteur lors de l'arrestation, l'oreille coupée, puis immédiatement recollée.

- Peut-être la communauté chrétienne primitive, qui partageait avec ses contemporains l'attrait général pour le merveilleux, a transféré sur la personne de Jésus des thèmes ou des matériaux extérieurs au christianisme, pour souligner sa grandeur et sa toute-puissance. Il en est de même pour tous les grands "fondateurs de religion" par le moyen de récits de miracles. Sans parler des nombreux ex-voto conservé à Épidaure, attestant les nombreuses guérisons, on a conservé de nombreux textes de l'antiquité grecque ou juive relatant des récits miraculeux de guérison.

- Cependant il y a des différences importantes entre ces récits et les récits évangéliques. Jésus ne fait pas de miracles pour se mettre en vedette, pour en retirer un privilège ou un profit. Mais si on considères les similitudes, on ne peut qu'être frappés par certains épisodes. Le changement de l'eau en vin, par exemple, ressemble à ce qu'on trouve dans le mythe et dans le culte de Dionysos. Tacite et Suétone racontent eux aussi la guérison d'un aveugle par de la salive. Lucien nous parle d'un grabataire guéri qui emporte son lit. Étonnante surtout la similitude poussée jusque dans les détails entre la résurrection d'une jeune fille aux portes de Rome, attribuée à Apollonios de Tyane, et la résurrection du fils de la veuve de Naïm. A propos de bien des récits de miracles, il faudrait se demander en fait si les auteurs n'avaient pas présents à l'esprit des personnages de l'Ancien Testament tels que Moïse, David, Élie et Élisée.

En conclusion

L'étude historique ne permet pas d'aller plus loin. Alors, miracles ou pas miracles ? Remarquons tout d'abord que pas une seule fois dans tout le Nouveau Testament on n'emploie le mot miracle - en grec thauma, en latin miraculum. Il vaut mieux parler, comme le fait en particulier l'évangile de Jean, de signes. De gestes charismatiques dont l'effet est certes de guérir, mais qui sont surtout des signes que Jésus fait. Gestes qui étonnent ses contemporains ; qui étonnent même au point qu'on a cru Jésus capable de bien davantage, et finalement, capable de tout.

Plus important que le nombre et l'ampleur des guérisons est le fait que Jésus se tourne avec sympathie et compassion vers ceux qui n'intéressent personne, les faibles, les malades, les exclus de la société. Ceux que, de tout temps, on a préféré négliger. Ainsi, au temps de Jésus, les pieux moines de Qumran (comme pour une part les rabbins), fidèles à leur règle, excluaient à priori de leurs communautés certains groupes d'hommes : "les gens stupides, les fous, les sots, les mineurs, nul d'entre eux n'entrera au sein de l'assemblée". Jésus, au contraire, ne se détourne pas de ces gens-là. Il ignore le culte de la santé, de la jeunesse, de la performance. A Jean Baptiste qui lui fait demander s'il est bien "celui qui doit venir", il fait répondre : "Allez dire à Jean que les aveugles voient, les paralytiques marchent, les lépreux sont guéris et les sourds entendent..." C'est ainsi que Jésus, par ses actions, donne des signes à travers lesquels transparaît déjà la lumière du royaume qui vient.

Ces actes symboliques ne sont pas des preuves qui puissent établir la foi. D'eux-mêmes, les miracles ne prouvent rien. On l'a bien vu avec les réactions contradictoires des témoins oculaires des guérisons que Jésus faisait. Là n'est pas la question. La question cruciale de la foi chrétienne est : que pensez-vous de Jésus Christ, et que pensez-vous de Dieu ? Les actes de Jésus ne peuvent être dissociés de ses paroles ; et ni les actes ni les paroles ne doivent être dissociés de sa personne. C'est lui-même, qui annonce le royaume de Dieu en actes et en paroles, qui est au fond le seul signe, donné aux hommes, du royaume imminent de Dieu. Ce qui est demande, ce n'est pas la foi au miracle, mais la foi en Jésus et en celui qu'il a révélé. "Heureux ceux qui croient sans avoir vu."

Donc, ce serait mal comprendre Jésus que de le considérer comme un guérisseur soucieux de porter méthodiquement remède à toutes les infirmités humaines. Mais ce serait tout autant mal comprendre Jésus que de ne le considérer que comme un pasteur et un confesseur uniquement attentif à l'âme et à l'esprit de l'homme. Le message sur le royaume de Dieu vise l'homme dans toutes ses dimensions, et pas seulement l'âme humaine ; l'homme tout entier dans son existence mentale et corporelle, dans la totalité concrète de son univers douloureux. Ce message s'adresse à tous les hommes, pas uniquement aux forts, aux jeunes, aux bien-portants, aux doués, mais également aux faibles, aux malades, aux vieillards, aux handicapés. Jésus ne s'est pas contenté de prêcher et de conseiller. il apporte en même temps le salut et le secours.

C - La norme suprême

Mais quelle est la règle de ce royaume ? Telle est maintenant la question?

Rappelez-vous : nous avons écarté toutes les solutions possibles. Pas question de nous lier à l'ordre établi (qui n'est bien souvent qu'un "désordre établi"). La révolution ? Notre époque en a mesuré toutes les conséquences désastreuses. La fuite du "monde" ? Elle ne peut être réalisée que par un petit nombre ; tout le monde n'est pas voué au couvent. Les paradis artificiels ? Autre fuite, Mais celle-ci mène au désastre et à la ruine de ses victimes. Alors, à quoi, à quelle loi se tenir ? Quelle doit être ici la norme suprême ? Question d'importance fondamentale, aujourd'hui comme jadis. Qu'en est-il pour Jésus ?

Pas de loi naturelle.

Il y a quarante ans ce mois-ci, l'encyclique Humanae vitae demandait aux chrétiens de s'abstenir, en matière de sexualité, de tous les moyens artificiels de contraception - et donc en premier lieu de la pilule - et de s'en tenir à des moyens "naturels" de limitation des naissances, précisant que la régulation "artificielle" des naissances était immorale, et ce, en faisant appel à l'autorité de Jésus-Christ. Or jamais Jésus, pour fonder ses exigences, ne part d'une nature essentielle, immuable, prétendument connaissable avec certitude et contraignante pour tous les hommes. Car, pour lui, une nature humaine abstraite, ça n'existe pas. Il parle, lui, de l'individu humain concret. Il parle des enfants sur la place du marché, du père dans sa famille, de la femme à la maison, des travailleurs dans la vigne. du paysan dans son champ, du juge et de l'accusé. Un tableau qui n'a rien de noir, mais rien de rose non plus. L'homme est vu d'un oeil réaliste, et souvent non sans humour. Le monde et l'homme sont ainsi présents, aux yeux de Jésus, en tant que monde "de Dieu" et homme "de Dieu". Pas question (comme chez Confucius) d'une loi éternelle à laquelle l'homme devrait conformer son action. Il n'emploie ni le terme de "création" ni le terme de "nature", qui sont des éléments de la pensée grecque. Pas question donc d'une nature humaine générale et immuable. Pas de principes premiers, dont on déduirait d'autres principes qui fourniraient une réponse à tous les cas possibles de théologie morale, qu'il s'agisse de la propriété privée, de la famille, de l'État, de la sexualité, du divorce, de la peine de mort, etc.

L'homme et le monde ont une signification pour Jésus La création lui annonce le créateur, qui fait lever son soleil sur les bons et les méchants. Les moineaux révèlent la sollicitude de Dieu et font considérer comme superflue l'anxiété de tout homme pour son sort. Pour Jésus, pas de morale du droit naturel, idée de la philosophie scolastique héritée de l'optique grecque ; et pas davantage de "morale du devoir" telle que la conçoit Kant. Même la "règle d'or" du sermon sur la montagne reprise par Kant - "Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux" - n'est pas un impératif catégorique dont on pourrait déduire toutes les exigences morales concrètes. Jésus n'établit pas un ordre de valeurs plaçant au-dessus de tout les valeurs morales et religieuses. Même les termes de justice et d'amour ne font pas fonction de valeurs suprêmes, dont tout le reste pourrait être déduit en totalité. Alors, qu'est-ce qui est le plus important, pour Jésus ?

Pas de loi révélée...

La norme suprême n'est pas non plus une loi positive révélée, une loi divine, comme pour les religions légales fondées par Moïse, Zarathoustra et Mahomet. Dans l'islam, cette loi se présente même sous la forme d'un livre, le Coran, préexistant auprès de Dieu. Certes, à travers l'histoire de l'Église, on n'a cessé de présenter Jésus comme un "nouveau législateur" et l'évangile comme la "loi nouvelle". Effectivement Jésus n'a pas récusé la Loi de l'Ancien Testament. Pour lui, la Loi manifeste la volonté éducatrice de Dieu. Elle manifeste la bonté et la fidélité de Dieu. Elle est un document, une preuve de son amour pour son peuple. Jésus n'a pas voulu la remplacer. Il n'a pas prôné une anarchie sans loi. Et pourtant, à ses yeux, la Loi n'est pas la norme suprême. La preuve, c'est qu'il ne se gêne pas pour s'en écarter ; il se situe au-dessus de la Loi. Ainsi il conteste les prescriptions concernant le jeûne, les aliments purs et impurs, le respect du sabbat. Il critique directement le culte. Pour lui, le Temple n'est pas éternel. Jésus s'est placé au-dessus de la Loi, avec une indépendance et une liberté déconcertantes.

...Mais la volonté de Dieu.

Qu'a donc voulu Jésus ? Tout simplement défendre la cause de Dieu. Il nous laisse précisément cette prière adressée à son Père : "Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite." C'est-à-dire : "advienne ce que Dieu veut". C'est ainsi que Jésus lui-même vivra sa vie terrestre : la volonté de Dieu est sa seule règle. Et il en sera de même pour ses disciples : qui fait la volonté de Dieu est le frère, la soeur, la mère de Jésus. Ce qui nous conduit au royaume des cieux, ce n'est pas de dire "Seigneur, Seigneur", mais de faire la volonté du Père. Aucun doute n'est donc possible : la norme suprême, c'est la volonté de Dieu.

Pour beaucoup, faire la volonté de Dieu, c'est simplement obéir à la Loi. Mais la volonté de Dieu ne se réduit pas à la Loi écrite, ni à la tradition qui interprète la Loi. Car la Loi peut conduire à un légalisme formel, derrière lequel on peut se retrancher pour s'opposer à la volonté de Dieu. Une loi procure la sécurité. Ce qui n'est pas défendu est permis. Mais une loi ne peut jamais envisager tous les cas concrets et actuels possibles. Alors souvent on passe de l'interprétation et de l'explication de la Loi à l'accumulation des lois. La Loi de l'Ancien Testament comptait 613 prescriptions ; aujourd'hui le Codex Juris Canonici (le Code de droit canon) en compte 2 414 ! Mais plus fines sont les mailles du filet, plus nombreux sont les trous. C'est évident !

Les avantages du légalisme sont immenses. On s'en tient à la loi dans nos relations avec les autres hommes, plutôt que de prendre des initiatives personnelles. Et ce que je pense, ce que je désire, ce que je convoite dans mon coeur, c'est mon affaire. Si on s'en tient à la loi, on sait de façon précise quand on a fait son devoir. Or Jésus porte un coup mortel à cette attitude légaliste. Il ne vise pas la Loi, mais le légalisme et le compromis qui caractérise cette religion de la Loi. C'est vis-à-vis de Dieu lui-même que l'homme doit se situer, vis-à-vis de ce que Dieu attend de lui très personnellement. C'est pourquoi Jésus refuse de parler de Dieu en savant, à proclamer des principes moraux généraux, à proposer à l'homme un système nouveau. Jésus n'est pas un législateur. Même le commandement de l'amour ne doit pas devenir une nouvelle loi. Par contre Jésus lance à chacun un appel neuf et précis à l'obéissance à Dieu, obéissance qui va englober toute la vie.

"Que la volonté de Dieu soit faite." Il s'agit d'une totale obéissance, en esprit et en fait. L'homme lui-même est responsable devant Dieu. Cette exigence libératrice est radicale. Elle refuse tout compromis. Mais c'est cette exigence radicale qui permet à l'homme d'atteindre la perfection à laquelle il est destinée.

 Nous en parlerons le mois prochain.

(à suivre le 1er septembre)

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