THÉOLOGIE "POUR LES NULS"
Cette année 2009 : Chrétien
?
(Suite)
|
1ère séquence - Le Ressuscité.
(janvier 2009)
1 - Justifié
Une précision importante pour commencer. Quand les premiers chrétiens commencent à prêcher, ce n'est pas la Résurrection elle-même qu'ils prêchent, mais Jésus ressuscité, exalté, vivant. Chez les Grecs, comme dans d'autres religions, les ressuscités sont nombreux. En premier lieu ces Héros de la mythologie comme Héraclès, admis dans l'Olympe, ou des dieux sauveurs morts et réanimés comme Dionysos. On leur voue un culte qui est célébré notamment dans les religions à mystère ; ce sont comme des remaniements des vieux cultes de la nature accordés aux saisons de l'année, ou encore la projection des désirs et des aspirations des hommes à l'immortalité. Dans cet univers, c'est le mythe qui est au commencement et qui devient ensuite histoire. Au contraire, avec Jésus , c'est une histoire personnelle qui va être racontée, puis célébrée.
Avec Jésus c'est l'histoire qui est au commencement. Une histoire personnelle. Ce qui importe pour la foi chrétienne, ce n'est pas qu'ici un mort ressuscite ; ce qui importe, c'est que ce soit justement le Crucifié qui ressuscite. Si le Ressuscité n'était pas le Crucifié, il serait tout au plus un symbole. L'événement de Pâques ne doit pas être considéré isolément. Il nous contraint plutôt à revenir à la question de Jésus, de son message, de son comportement, de son destin, puis naturellement à la question déterminante sur nous-mêmes et sur les conséquences que nous tirons de cet événement. Le "premier-né d'entre les morts" ne doit pas évincer le Messie des affligés et des opprimés. Pâques n'atténue pas la Croix, mais la confirme. Il nous appelle à suivre Jésus, à nous confier à lui et à son message, à régler notre propre vie sur le Crucifié.
C'est que le message de la Résurrection apporte une révélation tout à fait inattendue : le Crucifié avait raison malgré tout. Dieu prend le parti de celui qui s'est totalement abandonné à lui et qui a donné sa vie pour la cause de Dieu et des hommes. Dieu s'est déclaré du côté de Jésus et non du côté de la hiérarchie juive ; il a approuvé sa prédication, sa conduite, son destin.
Concrètement, Jésus a eu raison de passer outre à certains usages, à certaines prescriptions, à certains commandements, dans la mesure où il l'a fait pour le bien général de l'homme et donc selon la volonté de Dieu. Il a eu raison de mettre en question l'ordre légal existant et l'ensemble du système religieux et social ; il a eu raison de relativiser les normes, les institutions régnantes, les dogmes, les règlements et les organisations en vigueur ; il a eu raison de mettre en cause la liturgie officielle et l'ensemble du culte, de miner les rites, les cérémonies en usage, dans la mesure où le service des hommes doit précéder le service de Dieu.
Il était donc juste qu'il identifiât cause de Dieu et cause de l'homme, volonté de Dieu et bien général des humains. Et donc juste qu'il plaide pour un pardon sans limite, pour un service gratuit. Et donc juste, sa solidarité avec les faibles, les malades, les pauvres, les non-privilégiés, et même avec les déviants et les sans-Dieu.
Telle est la signification du message de la Résurrection. La revendication de Jésus, sa confiance dans la présence de Dieu, son obéissance, sa liberté, sa joie, tout jusque sa passion a été reconnu. Abandonné de Dieu et justifie par Dieu. Toujours il a été dans son droit. Au regard de tous il avait manifestement échoué, et pourtant il a été approuvé par Dieu. L'entrée de Jésus dans la gloire de Dieu signifie que Dieu se déclare en faveur de celui que le monde a refusé de reconnaître. Jésus, entré dans la vie de Dieu, est enfin revêtu de l'authenticité ultime. Ce qui, de notre part, exige une décision. On doit choisir : pour ou contre lui. Celui qui appelait à la foi est devenu le contenu de la foi. Dieu s'est identifié pour toujours avec celui qui s'identifiait à Dieu. Elevé à Dieu, Jésus est devenu la personnification du message du Royaume de Dieu. Au lieu de prêcher le royaume de Dieu en général, on dira désormais de plus en plus "prêcher le Christ". Et ceux qui croient en lui comme au Christ, on les appellera bientôt les "chrétiens". Jésus avait commencé par prêcher l'évangile, la bonne nouvelle ; et maintenant, il est lui-même évangile, bonne nouvelle qu'il nous faut accueillir et prêcher.
2 - Les titres de Jésus.
Après Pâques, on ne peut plus séparer la cause de Jésus de sa personne. C'est le fondement inébranlable du christianisme : la cause de Jésus, c'est d'abord sa personne qui, pour les croyants, reste toujours riche de sens et de valeur. C'est elle qui légitime l'acclamation liturgique et la proclamation missionnaire. Bientôt même, c'est devant les tribunaux qu'il faudra proclamer sa foi. On leur demande de reconnaître César comme Seigneur (Kurios Caesar), les fidèles répliquent Kurios Iesous, Jésus est Seigneur.
Cette profession de foi reconnaît Jésus comme autorité suprême. Aucun titre d'honneur n'a paru excessif pour désigner celui qui n'avait revendiqué aucun titre pour lui-même. Jésus, mis à mort et ressuscité, reste l'autorité suprême. Donc, on va puiser dans des références juives ou païennes pour désigner Jésus. Plus de cinquante noms dans le Nouveau Testament. dont certains restent encore aujourd'hui en usage. Voici les principaux : le Fils de l'homme, le Seigneur, le Messie, le Fils de David, le Serviteur de Dieu, le Sauveur, le Fils de Dieu, le Verbe de Dieu. Certains de ces mots, d'origine juive, ont vite disparu du langage habituel des premières générations chrétiennes ; d'autres ont été simplement traduits. Ainsi Messie est devenu Christ, ce qui a rapidement formé Jésus-Christ. On trouve dans le Nouveau Testament 20 fois "Fils de David", 75 fois "Fils de Dieu", 80 fois "Fils de l'homme, 350 fois "Seigneur" et 500 fois "Christ".
Selon les milieux, les chrétiens emploient des noms différents pour dire Jésus, son message et son œuvre de salut. Très différentes sont les appellations utilisées dans les épitres, notamment celles de Paul et celles en usage dans les évangiles, qui ont été rédigés plus tard. Chez Marc, Jésus est le Fils de Dieu caché pendant sa vie terrestre ; chez Matthieu, il est le Messie promis par tout l'Ancien Testament; Luc le décrit surtout comme le sauveur des pauvres et des êtres perdus, et Jean découvre en lui le Verbe qui était avec Dieu depuis les origines. Paul le présente comme le nouvel Adam, homme achevé, et la Lettre aux Hébreux nous dit qu'il est le grand prêtre qui met un terme à l'ancien culte. Pour les Actes des Apôtres, il est le Seigneur glorifié qui gouverne l'Eglise ; et l'Apocalypse, comme celui qui a triomphé au nom de Dieu.
Mais ce ne sont pas les titres qui ont fait l'autorité de Jésus, c'est lui, le Crucifié ressuscité, qui a donné valeur pleine et entière à ces titres. Mais ces titres eux-mêmes sont comme un défi lancé à tous ceux qui érigent en absolu leur propre personne, leur pouvoir et leur sagesse, qui revendiquent ce qui n'appartient qu'à Dieu, qui se prétendent l'autorité suprême. C'est important aujourd'hui comme hier.
3 - Représenter Dieu et les hommes
Ce n'est que progressivement qu'on a pris conscience de toute l'importance de Jésus. Et parmi les titres qu'on lui a donné, le titre de "Fils de Dieu est particulièrement révélateur. Le terme était déjà en usage, aussi bien chez les Juifs que dans l'antiquité païenne. En Israël, le roi était appelé "Fils de Yahvé". Les chrétiens vont appliquer définitivement ce titre à Jésus ressuscité. Mais le Jésus terrestre ? N'est-il pas aussi Fils de Dieu, même si sa souveraineté est encore cachée ? Les auteurs du Nouveau Testament fixeront cette dignité de Fils de Dieu, soit au baptême de Jésus, soit à sa naissance, soit même avant sa naissance. Au départ, quand on dit Jésus Fils de Dieu, on pense, non pas à son origine, mais à ses prérogatives et à son autorité. Il s'agit moins de l'être que de la fonction. Jésus règne, à la place de Dieu, sur son peuple. Sans aucun titre officiel, il était apparu comme un mandataire : le messager personnel, le familier et l'ami de Dieu. Plus que tout autre, ce titre a fait comprendre à ses contemporains que cet homme, Jésus, appartenait à Dieu, au côté de Dieu. Ensuite, définitivement glorifié par sa résurrection, il est pour toujours le représentant de Dieu vis-à-vis des hommes. Le Nouveau Testament le nomme roi, pasteur, sauveur, prêtre, prophète ; dans notre langage actuel, on pourrait dire chargé d'affaires, fondé de pouvoir, porte-parole, mandataire, messager, alter ego, délégué, suppléant, représentant de Dieu.
Mais en même temps, et déjà durant sa vie terrestre, Jésus, pour qui la cause de Dieu s'identifiait à la cause de l'homme, était précisément mandataire de l'homme auprès de Dieu. Il n'est pas mort seulement pour ses convictions, ni pour une cause, mais, concrètement il est mort pour les égarés et les méprisés, pour les pécheurs de toute sorte, avec qui il s'est solidarisé et qui auraient mérité le même sort que lui. Il a assumé leur destin. Paul dira qu'"il s'est fait péché". Mais c'est après sa mort que Jésus a été confirmé et justifié comme le représentant de Dieu et des hommes. Il lui a fallu d'abord payer de sa vie pour ouvrir la voie à une liberté nouvelle.
A suivre, début février 2009