THÉOLOGIE "POUR LES NULS"
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Cette année 2009 : Chrétien ?
(Suite)
"Jésus de Nazareth est resté vivant pour l'humanité depuis deux millénaires. Qu'est-ce qui lui a valu cette survie ? Qui a sans cesse témoigné pour lui aux yeux des hommes ? Serait-il resté vivant, s'il n'avait existé que par un livre ? N'est-il pas resté vivant parce que, pendant deux mille ans, il a vécu dans l'esprit et le cœur d'une foule d'hommes ? Dans l'Eglise, ou hors d'elle, ou à ses portes, des hommes ont été saisis par lui, en dépit des énormes différences de temps et de lieux qui les séparent. Dans toute leur condition humaine et à des degrés très divers, ils ont été provoqués, ébranlés, comblés par sa parole et son esprit, constituant ainsi, en sa diversité, une communauté de foi." (Hans Küng)
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10e séquence - Une dimension sociale (2).
(octobre 2009)
Tous les discours théologiques, tous les programmes chrétiens en vue d'un "homme nouveau", d'une "nouvelle création" resteront sans effet au plan social et serviront même à entretenir la reproduction pure et simple de rapports sociaux inhumains, si les chrétiens ne rendent pas aujourd'hui cet "homme nouveau" et cette "nouvelle création" indiscutablement visibles au regard du monde par la lutte contre l'injustice des structures (Hans Küng).
Qui n'a souffert, en effet, quotidiennement, d'une manière ou d'une autre, de ces structures souvent anonymes et opaques, que ce soit dans le couple et la famille, dans le cadre de la profession ou de la formation, dans les rapports économiques et les relations de voisinage, sur le marché de l'emploi, dans les syndicats, les partis, les organisations ? Dans certaines conditions, tout comportement libre et libérateur est pratiquement exclu. Il y a des logements qui perturbent systématiquement les relations entre la mère et l'enfant ; il y a des formes d'organisation du travail qui conditionnent les rapports du fort au faible, qui laissent dépérir les attitudes telles que la solidarité, la compassion et la loyauté en tant que non-souhaitables pour la production. Que ces conditions se modifient, que les habitations deviennent dignes de l'homme, que les formes d'organisation s'ouvrent à l'esprit de coopération et les conditions de possibilité d'une vie différente sont réunies. Il n'en faut pas plus, mais pas moins.
2 - LA MAITRISE DU MAL
Il y a, d'une part, tous nos appels pour que les hommes puissent mener une vie plus belle, plus paisible, plus juste et plus fraternelle. Et en même temps, on peut se demander si tous ces appels ne sont pas que "bruit et fumée" dans la réalité de notre existence : la haine, l'absence de sens, de dignité et de valeur, l'oppression et l'inhumanité éprouvées dans la banalité quotidienne de la vie publique et privée. Ce qui est en jeu ici, c'est la question de l'homme, de la qualité humaine et de l'humanisme. Ce qui est en jeu, c'est la question de l'homme et du chrétien, dans ce qu'ils ont de plus radical. C'est dans la maîtrise de cette composition négative que la foi chrétienne et les humanismes non chrétiens feront leurs preuves.
La Croix dénaturée.
Enigmes insondables : la souffrance, l'histoire douloureuse de l'humanité et de chaque individu. A ces énigmes, la mythologie, la philosophie, la théologie tentent de donner des réponses. Le processus d'émancipation auquel nous avons assisté grâce à la théologie de la libération en Amérique latine en est un des exemples les plus récents. Mais émancipation ne remplace pas la rédemption, et réciproquement. Personne n'échappe à la question de la souffrance non soulagée, à la question de sa faute et de sa mort et donc à la question de la libération suprême de l'homme : libération par Dieu (rédemption), au regard de laquelle la libération de l'homme par l'homme (émancipation) ne peut jamais avoir qu'un caractère provisoire. Comment autrement l'homme pourrait-il être libéré de sa faute, libéré pour une vie riche de sens et pour un engagement sans réserve en faveur d'autrui et de la société ? Comment trouverait-il malgré tout un sens à travers une souffrance et une mort absurdes, et aussi à travers la souffrance des innocents et des malchanceux ?
Que dire à l'homme définitivement prisonnier des structures sociales qui ne laissent aucune chance de succès aux révolutions ? Et que dire au malade incurable, à celui qui paie définitivement une erreur de décision, à celui qui a connu la faillite sur le plan professionnel, moral et humain ? Contre toute tentation de colère, de révolte, de résignation et de cynisme, peut-on dire autre chose que ce qu'a osé Job : dans une confiance inébranlable et inconditionnelle, dire oui malgré tout, dire oui au Dieu incompréhensible ? Pourtant il est possible d'affirmer autre chose encore : que tout ce qui est négatif en cette vie peut prendre un sens positif ; qu'on n'est pas, de façon irrémédiable, voué à une situation absolument sans remède, absurde, désespérée ; qu'il est possible de rencontrer Dieu , non seulement dans le succès et la joie, mais aussi dans l'échec, dans la dépression, dans la tristesse et dans la peine.
Je peux me permettre ces affirmations, les yeux fixés sur la passion de celui qui est à même de donner un sens à la passion de chaque homme, tout comme à celle de l'humanité entière. Les yeux tournés vers le Crucifié, dans la foi et la confiance en celui qui, lui aussi et surtout - et c'est le témoignage de la Résurrection - porte et soutient l'homme au plus extrême du péril, de l'absurdité, de la solitude et du vide : en Dieu, solidaire des hommes parce que concerné avec eux. Nous l'avons déjà dit : la Croix du Christ vivant est le fondement sur lequel le croyant peut s'appuyer pour oser espérer dans la nuit et l'absurdité, pour suivre en un mot l'exemple de la croix.
Suivre l'exemple de la Croix ? C'est ce qu'il y a de plus profond et de plus fort dans le christianisme. C'est ce qui a été moqué, discrédité, caricaturé par Nietzsche, qui se moquait "des calotins et des cagots assis derrière le poêle, qui s'en vont courbés, rampant vers la Croix, et qui, devenus vieux et froids, ont oublié leur bravoure du matin." Caricature : "se traîner au pied de la Croix" équivaut à battre en retraite, n'avoir pas confiance en soi, céder, courber l'échine, s'aplatir, capituler. Et "porter sa croix" signifie de même se résigner, s'humilier , ne pas broncher. La Croix devient ainsi le signe des mauviettes et des poltrons. Le contraire de ce que Paul affirmait lorsqu'il la décrivait, certes, comme folie pour les païens et scandale pour les Juifs, mais aussi "force de Dieu et sagesse de Dieu" pour les croyants.
Il ne faut donc pas se tromper de signification et se méprendre sur le sens de la Croix, qui serait comme un symbole de l'écrasement de l'homme. Voir un certain nombre de prédications qui ont été, hélas, dans ce sens. A quel point, d'ailleurs, n'a-t-on pas avili la croix ? La croix qui n'est plus "un fardeau sur le dos, mais une décoration sur le ventre," "Croix pectorale" des évêques, prescrite autrefois uniquement pour la messe, mais aujourd'hui portée en dehors des offices liturgiques. Autrefois signe de honte et de victoire, aujourd'hui galvaudé et affaibli, en toute sortes de "bénédictions" administrées en série? Et que dire de certains discours ecclésiastiques qui célèbrent la croix comme "le grand et obscur décret de Dieu" qui "adresse aux hommes une menace redoutable" pour les conduire à la pénitence, comme pour projeter en Dieu et en Jésus une volonté de faire souffrir. On se demande s'il n'y a pas, derrière certains discours ecclésiastiques, une volonté de discréditer les valeurs contemporaines telles que l'élévation du niveau de vie, l'autonomie de la personne, l'acceptation du monde ; comme un essai de justification des fardeaux imposés par la tradition ecclésiastique, le célibat par exemple, comme une croix voulue par Dieu J'ai personnellement entendu, dans ma jeunesse, présenter le port de la soutane comme un "vêtement de pénitence" ! ! Où est alors le respect de la Croix ?
La Croix méconnue.
Il nous faut mettre en lumière trois méprises plus subtiles, qu'on retrouve trop souvent hélas, dans la prédication.
1 - Suivre l'exemple de la croix ne signifie pas célébrer un culte d'adoration . La croix de Jésus fait éclater tous les schémas de la théologie du sacrifice et de la pratique cultuelle. La croix est essentiellement un instrument profane de supplice qui s'oppose à toute annexion cultuelle. Bien sûr, on ne refusera pas le respect dû au symbole de la Croix ni à une vénération de la Croix bien comprise et conforme à l'évangile, comme dans la liturgie du Vendredi Saint. Ceci dit, quelques questions méritent d'être posées :
- Face à la croix du Christ , quel est le sens du geste d'un étroit formalisme qui réduit la Croix à un simple signe de croix indéfiniment et distraitement répété et qui la dégrade souvent en signe magique.
- Face à cette croix, quel est le sens du crucifix suspendu au mur quand il n'entraîne aucune conséquence dans la pratique et quand on cherche, à la faveur de cet objet purement décoratif, à se décharger de la Croix du Christ ?
- Face à cette croix, quel et le sens de cette habile industrie qui livre la Croix à une commercialisation frelatée ?
Pour celui qui s'engage sérieusement sur la voie de Jésus, la croix de Jésus reste le scandale sous le signe duquel sont définitivement tombées les barrières entre le profane et le sacré. Elle est et reste une provocation pour celui qui célèbre, sous ce signe, l'office divin, l'eucharistie, le mémorial de la passion. Au souvenir doit correspondre la marche effective à la suite du Christ.2 - Suivre l'exemple de la Croix ne veut pas dire s'engager dans une sorte de fusion mystique. Certes, je respecte totalement la grande mystique de la Passion et de la Croix, celle de François d'Assise, de Thérèse d'Avila, de Jean de la Croix ou d'Ignace de Loyola. Comme je respecte tous les élans d'émancipation et de critique que la piété laïque, inspirée par la Croix, a introduit dans l'Eglise et dans la société. Des mouvements de pauvreté apparus au Moyen Age jusqu'aux negro spirituals chantés par les esclaves noirs, le Christ souffrant, pauvre et persécuté, a été opposé au Christ des riches et des puissants, au Christ qui règne dans le ciel. De même, on respectera l'authentique coutume religieuse du chemin de la croix qui ranime le souvenir de Jésus souffrant dans une méditation apaisée et libératrice, exempte de tout masochisme.
Mais pourtant, pour celui qui s'engage sérieusement sur la voie de Jésus, la croix de Jésus ne peut être atteinte ni dans une familiarité pieuse, ni dans l'espoir de la minimiser ou de la ramener à soi, ni dans la tentative d'en faire une affaire privée. Elle est et reste un défi à la foi en Dieu. En un Dieu qui est parfois absent, mais qui ne torture pas l'homme par sadisme ; qui au contraire compatit à la souffrance de l'homme. Un défi à la foi en Jésus Christ, qui n'a pas été le souffre-douleur insignifiant, mais le frère courageux de tous les pauvres, de tous les torturés, de tous les angoissés ; dans la communion avec lui, les humiliés se trouvent relevés, considérés, réhabilités, reconnus dans leur dignité d'hommes. De son fait, la croix est ambivalente : expression de détresse, mais aussi protestation contre la détresse, signe de la mort et signe de la victoire.3 - Suivre l'exemple de la Croix ne signifie pas imiter dans un comportement moral la vie de Jésus, ni copier fidèlement le modèle que représente sa vie, sa prédication et sa mort. Mais à nouveau s'impose le respect des grands moments de la tradition chrétienne :
- Respect des grandes personnalités qui, de François d'Assise à Martin Luther King, ont renoncé à la propriété et à la violence pour suivre directement Jésus comme un exemple et ont posé pour l'agir chrétien des jalons d'une portée directrice considérable.
- Respect de la tradition des grands martyrs du christianisme, qui ont voulu être semblables à Jésus dans la souffrance.
- Respect de la grande tradition du monachisme qui, surtout au Moyen Age, s'est inspirée de l'Imitation de Jésus Christ pour entreprendre de profondes réformes dans l'Eglise et la société et qui a directement demandé au Christ ses principes de vie : renoncement au pays, au mariage et à la propriété.Pour qui s'engage avec sérieux sur la voie du Christ , il reste que la Croix échappe à toute copie commode. L'apôtre Paul, par exemple, en vient à penser que l'imitation du Christ ne signifie pas l'imiter, mais le suivre. Donc cela ne veut pas dire qu'on sera comme Jésus, abandonné de Dieu et des hommes, souffrir les mêmes douleurs, subir les mêmes blessures. Au contraire, parce qu'elle se dérobe à toute copie, la Croix est et reste une incitation à porter notre propre croix, à aller notre propre chemin, en assumant le risque de notre propre situation et l'incertitude de l'avenir.
La Croix vraiment comprise.
Des "crucifiés" il y eu a eu à toutes les époques. Il y en a encore beaucoup aujourd'hui. Non seulement des condamnés à mort, mais aussi des malades incurables, des ratés complets, ceux qui sont dégoutés de la vie et ceux qui désespèrent d'eux-mêmes et du monde. Et même, allons plus loin, tout homme n'est-il pas crucifié sur sa propre croix ?
En présence de telles souffrances, seul le silence, bien souvent, est décent. On est incapable d'articuler des mots de réconfort. Pourtant, c'est l'expérience même de ces situations extrêmes qui oblige à parler, à prononcer les mots qui éclairent, réconfortent, aident à assumer. Ce n'est pas facile, certes, mais il faut parler. Au regard de la croix du Christ, le chrétien n'est pas muet, sans réponse. Encore faut-il le mettre en garde contre les formules toutes faites. Le chrétien n'est pas réduit au silence quand il laisse parler le crucifié. . Mais dans quelle mesure peut-il apporter une aide ?1 - Ne pas rechercher la souffrance, mais la supporter. Jésus n'a pas cherché la souffrance ; elle lui a été imposée. Quiconque recherche directement ou même s'inflige à lui-même, de façon masochisme, la douleur et la souffrance, n'est pas dans la ligne de la croix de Jésus. La douleur est et reste la douleur, la souffrance est et reste la souffrance. On n'a pas à leur donner une autre interprétation, encore moins à trouver en elles un plaisir masochiste. La douleur et la souffrance sont et restent des agressions contre l'homme. Le chrétien ne peut pas être un amant de la tristesse. Au Moyen Age, la tristesse est cataloguée comme un des péchés capitaux.
Suivre la croix du Christ, c'est, en revanche, supporter la souffrance qui m'advient à moi précisément, dans ma situation propre, en référence à la souffrance du Christ. Il s'agit de prendre, non la croix de Jésus ni n'importe quelle croix, mais la sienne, sa propre croix, pour suivre Jésus. Ne pas chercher des souffrances extraordinaires dans l'ascèse monastique ou dans l'héroïsme romantique, mais supporter la souffrance ordinaire, normale, quotidienne, et pour cette raison précisément très pénible : voilà la tâche de celui qui croit au Crucifié. La croix de tous les jours, à laquelle on s'efforce d'échapper bien souvent.
2 - Non seulement supporter la souffrance, mais la combattre. L'impassibilité stoïque n'est pas non plus dans la ligne de la croix du Christ. Jésus lui-même s'est attaqué aux puissances du mal, de la maladie et de la mort dans ce monde chargé de misères. Relire aussi bien la parabole du bon Samaritain que la parabole du jugement final. C'est pour cette raison que la jeune communauté des croyants, dès le départ, a reconnu comme sa tâche particulière la sollicitude active en faveur de ceux qui souffrent. Et cette sollicitude est ce qui nous distingue, nous chrétiens, de toutes les autres religions mondiales : dès le IVe siècle, on trouve des nosocomiae, des hôpitaux , avant que ne soient fondées par les moines les infirmeries des monastères, largement multipliées par la réforme de Cluny, puis par les ordres hospitaliers militaires, et jusqu'à aujourd'hui, où tant d'établissements de soins résultent de l'initiative des congrégations catholiques ou protestantes. C'est dans la logique du processus de sécularisation que la société actuelle prenne enfin à sa charge ces institutions et en crée de nouvelles ; il n'en reste pas moins du devoir des chrétiens et des Eglises de travailler aux multiples formes de luttes contre la souffrance, la pauvreté, la faim, les injustices sociales, la maladie et la mort. Jamais le chrétien ne se résignera face à la souffrance.
3 - Non seulement combattre la souffrance, mais l'assumer. Ce qui suppose une connaissance vécue des causes et des conditions, du contexte et des composantes de la souffrance humaine, mais aussi une certaine imagination pour concevoir les possibilités d'assurer à l'avenir une existence mois douloureuse pour l'homme.
Cette imagination trouve à s'exprimer dans le langage ; elle peut ainsi briser la carapace qui emprisonne si souvent la souffrance et qui la rend sourde, muette et sans voix. Le dialogue engagé avec autrui permet de rendre conscient tout ce qu'il y a d'élémentaire et de spontané dans la douleur, pour bien faire prendre conscience qu'elle n'est pas le fait du hasard, qu'elle n'est pas tout bonnement envoyée par Dieu. Le dialogue rend capable de réinterpréter sa propre souffrance , de la rendre même positive et active. Ce phénomène est attesté par une foule de chrétiens qui ont vécu leur condition de chrétien et d'homme au-delà de toute consolation facile ; par une foule de malades incurables qui, à partir de leur maladie, ont découvert un nouveau rapport à eux-mêmes ; par une foule d'hommes et de femmes qui au-delà des déceptions et des séparations, au-delà des échecs et des insuccès, de l'humiliation, de l'exclusion et du mépris, ont acquis une nouvelle qualité d'être qui a transformé leur vie. La souffrance n'est pas nécessairement, aux yeux des chrétiens, un fatum, un destin auquel il faudrait se résigner. Elle est "une sorte de mutation dont l'homme fait l'expérience, elle est un mode du devenir". Mais d'où le chrétien tient-il cette incroyable certitude ?
4 - Liberté dans la souffrance. La référence à Jésus garantit à l'homme un total réalisme. Jamais il ne cèdera à l'illusion d'un progrès tel qu'il pourrait par lui-même éliminer les sources du mal, de la souffrance, du malheur. Il ne rêvera jamais d'un éventuel Age d'Or? Et même il lui faut bien constater que le niveau inégalé de progrès et de bien-être offert par la société technologique actuelle n'y est en aucune manière un remède ; au contraire, "les troubles psychiques semblent se multiplier presque en proportion du recul des affections physiques". L'homme doit combattre la souffrance, mais il ne lui est pas donné d'en triompher définitivement.
L'home qui s'engage dans la voie de Jésus et porte sereinement sa propre croix dans la vie quotidienne ne peut vaincre et éliminer purement et simplement la souffrance. Mais dans la foi, il peut l'assumer et la maîtriser. Jamais il ne sera écrasé par la souffrance car, dans la foi lui est donnée l'espérance que la souffrance n'est pas la réalité définitive. Pour lui la réalité définitive est une vie sans souffrance, impossible certes à réaliser par la société humaine, mais qu'il peut attendre de l'accomplissement, d'un mystérieux tout Autre, de son Dieu : toute souffrance sera définitivement supprimée dans la vie éternelle.
Voilà une promesse qui n'incite pas à l'attente béate et inactive ; elle est une incitation non pas à se résigner simplement au présent, mais à faire face activement à la souffrance présente en vue d'un avenir sans souffrance. Pour le croyant, le monde nouveau est déjà devenu une réalité vivante, pour lui le monde ancien est passé, une réalité nouvelle est là. Car c'est précisément dans notre faiblesse que la force de Dieu est à l'œuvre ; c'est dans notre faiblesse que réside notre force. Ce n'est pas du baratin ; c'est l'expression d'une liberté vis-à-vis de la souffrance déjà vécue au sein de la souffrance. Le chrétien ne se laisse pas écraser, il ne désespère pas, il ne se sent jamais abandonné dans sa solitude Relire saint Paul, 2 Corinthiens 4, 8-12.
L'existence de l'homme est une existence "crucifiée", c'est-à-dire un événement déterminé par la croix, en d'autres termes par la douleur, l'inquiétude, la souffrance et la mort Mais c'est seulement de la croix de Jésus que l'existence crucifiée de l'homme acquiert un sens.
(La suite, début novembre)