THÉOLOGIE "POUR LES NULS"
Cette année 2009 : Chrétien ?
(Suite et Fin)
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12e séquence - En conclusion pratique
Dans chaque situation, à tout moment et en tout lieu, la liberté chrétienne doit se réaliser de manière toujours nouvelle, sur le plan individuel comme sur le plan collectif. Pour suivre Jésus Christ, pour transposer le programme chrétien dans la pratique, d'innombrables possibilités nous sont offertes. Nous en avons déjà proposé quelques unes. Aujourd'hui il n'est pas question de développer ici systématiquement un programme chrétien d'action. Simplement, et à propos de quelques problèmes fondamentaux de l'homme et de la société d'aujourd'hui, on s'efforcera d'illustrer ce que la décision de suivre Jésus peut changer, et a effectivement changé, partout où elle est prise au sérieux. Regardons comment la liberté chrétienne, dans les situations conflictuelles de la vie quotidienne, peut ouvrir une voie nouvelle en mettant en valeur, à l'exemple de Jésus Christ, d'autres normes, une autre échelle de valeurs, d'autres références. Voici donc quelques brèves suggestions.
Liberté vis-à-vis de l'ordre du droit.
Jésus attend de ses disciples qu'ils renoncent à certains droits spontanément et sans contrepartie. Pas à tous leurs droits, mais, dans certaines circonstances et pour certains droits. Par exemple, pour le problème de la guerre et de la paix. Pourquoi, dans certaines régions du globe, il semble impossible d'instaurer la paix ? C'est, bien entendu, parce que "l'autre camp" ne la veut pas. Mais le problème est plus profond. Les deux camps font valoir des prétentions et des droits, des revendications sur les mêmes territoires, les mêmes peuples, les mêmes espaces économiques. Les deux camps peuvent légitimer leurs prétentions par des arguments d'ordre historique, économique, culturel, politique. Les gouvernements des deux camps ont le devoir de sauvegarder et de défendre les droits de l'État. Jadis on ajoutait même : de les accroître. Tout cela s'exprime dans des clichés visant à justifier la position des intéressés, clichés qui se nourrissent, sur le plan de la psychologie individuelle, de l'angoisse devant l'étranger, et qui, sur le plan de la collectivité, ont une importante fonction interne d'identité et de stabilisation politique. Ces types de préjugés sur d'autres pays, d'autres peuples, d'autres ethnies, sont commodes, parce qu'ils sont populaires. Et pour cela même ils sont difficiles à corriger. Dans cette atmosphère de défiance et de suspicion collective, nous nous trouvons dans un cercle vicieux de méfiance ; le doute s'instaure sur toute intention de paix, toute disposition de réconciliation, du fait qu'on les tient pour une faiblesse ou pour une tactique de l'adversaire.
Les conséquences globales de cette attitude sont graves : course aux armements, à laquelle les traités n'ont toujours pas trouvé de parade efficace ; violences et ripostes dans les crises internationales... Dans les différentes parties du monde, aucune paix authentique ne peut s'instaurer. Que peuvent faire les chrétiens dans ces circonstances ?
* Le message chrétien ne donne aucun renseignement précis, ni sur la délimitation des frontières, ni sur les zones de pêche internationales, ni pour le règlement des conflits existants. Il ne formule aucune proposition concrète pour les conférences sur le désarmement ou pour les négociations de paix. L'Évangile n'est ni une théorie politique ni une méthode définie de diplomatie.
* Mais le message chrétien exprime une position qui est fondamentale, à laquelle il n'est sans doute pas facile aux hommes d'État de rallier leurs peuples, mais que les évêques des diverses confessions, les dirigeants de toute Église, catholique, protestante ou orthodoxe, les théologiens, les pasteurs, les laïcs chrétiens peuvent et doivent rappeler : la renonciation à ses droits sans contrepartie n'est pas forcément une honte ; mener "une politique d'abandon" n'est pas forcément injurieux. Renoncer à ses droits sans contrepartie peut, dans des cas bien précis, être l'expression de la grande liberté du chrétien : c'est, comme le préconisait Jésus, "faire deux pas avec celui qui n'en a exigé qu'un."
Le chrétien qui vit cette liberté se montre critique envers tous ceux qui, de quelque bord qu'ils soient, ne cessent de protester verbalement de leur volonté de paix, qui promettent toujours amitié et réconciliation, mais qui, dans la pratique politique, ne sont pas disposés à abandonner des prérogatives actuelles, ni à faire le premier pas vers l'adversaire, ni à affronter l'impopularité lorsqu'il s'agit d'intervenir publiquement en faveur d'un rapprochement avec d'autres peuples. Cette grande liberté chrétienne représente un défi pour tous ceux qui estiment que la force et la violence représentent la solution la plus avantageuse. Le message chrétien s'oppose catégoriquement à cette sorte de logique de la domination qui met en cause la dignité humaine. Il n'est pas question de neutralisme naïf et aveugle. Bien au contraire. Il s'agit d'un engagement : le droit, l'ordre juridique ne sont pas contestés. Ils sont simplement relativisés. Parce que le droit est au service de l'homme, et non pas l'homme au service du droit.
Toutes les fois qu'un individu ou des groupes se rappellent que le droit est fait pour l'homme, ils font progresser l'humanisation de l'ordre juridique et autorisent, même dans le cadre juridique en vigueur, l'apaisement, le pardon, la réconciliation. Ils répandent donc, précisément dans le domaine du droit, des comportements d'humanité entre les hommes. Ils sont à même de s'appliquer la promesse de l'évangile : ceux qui renoncent à la violence auront la terre en partage.
Liberté vis-à-vis de la lutte pour le pouvoir
Jésus appelle ses disciples à se servir spontanément de leur pouvoir au profit des autres. Il est bien sûr impossible de renoncer à tout usage du pouvoir. Au contraire, nous sommes requis d'utiliser les pouvoirs qui sont les nôtres en faveur des autres. Par exemple, le pouvoir économique. Contre la hausse des prix et l'inflation, par exemple, il semble qu'on n'ait pas encore trouvé de remède miracle. Les prix montent, au détriment des pauvres et des plus pauvres. Les employeurs en rejettent la faute sur les syndicats, les syndicats sur les employeurs, les uns et les autres sur le gouvernement. Un cercle vicieux. Que faire ?
* Le message chrétien n'apporte aucun renseignement précis sur l'approche technique du problème et donc sur la résolution du "carré magique" qui permettrait d'atteindre en même temps le plein emploi, la croissance économique, la stabilité des prix et l'équilibre des échanges extérieurs. L'offre et la demande, le marché intérieur et le marché extérieur semblent obéir à la loi d'airain, que chacun s'efforce d'utiliser à son profit, dans une lutte sans merci pour le pouvoir.
* Le message chrétien affirme une position qui ne se trouve habituellement dans aucun manuel d'économie politique, de gauche ou de droite, à savoir que, dans les inévitables conflits d'intérêts, il n'y a aucune honte, ni pour l'employeur, ni pour le dirigeant syndical, à ne pas toujours faire usage de son pouvoir contre l'autre, qu'il n'y a pas de honte à ce que l'entrepreneur ne répercute pas intégralement la hausse de ses coûts de production sur les consommateurs dans le seul but de maintenir constante sa marge bénéficiaire et de l'augmenter si possible ; qu'il n'y a pas de honte à ce que, à l'occasion, le dirigeant syndical n'impose pas une augmentation de salaire alors qu'il en a le pouvoir et que ses adhérents s'y attendent. Bref, que tous, dans des situations bien déterminées, soient disposés à user de leur pouvoir en faveur des autres, et que même, en certaines occasions, ils soient capables de faire don de leur pouvoir, de leur profit, de leur influence, et à donner le manteau en sus de la tunique.
Dans quel but ? Non en vertu d'une idéologie de collaboration qui prétendrait camoufler les conflits. Ni non plus dans l'espoir d'un avantage immédiat pour notre situation personnelle. Mais simplement pour que l'homme ne soit pas sacrifié à la lutte pour le pouvoir. Afin, au contraire, que le pouvoir soit exercé au service des hommes. Le pouvoir ne peut pas être purement et simplement supprimé ; mais il peut être radicalement relativisé : qu'il ne devienne pas un pouvoir absolu. C'est ainsi qu'il devient possible de pardonner sans fin au lieu de comptabiliser les fautes, de se réconcilier sans condition au lieu de camper sur ses positions. La paix qui surpasse toute raison peut succéder au combat sans pitié pour le pouvoir. Un tel message est un facteur de changement partout où les gouvernants menacent d'opprimer les gouvernés, où les institutions menacent d'écraser les personnes, où l'ordre menace d'étouffer la liberté où la force menace de refouler le droit. Chaque fois qu'un individu ou un groupe entier se rappellent qu'on dispose du pouvoir pour servir et non pour dominer, ils contribuent à humaniser les rivalités humaines de toutes sortes et à rendre possibles, même dans ces conflits, le respect mutuel, la considération pour les hommes, la médiation et la modération. Ils sont alors en droit de croire à la promesse qui annonce qu'à tous les miséricordieux, il sera fait miséricorde.
Liberté par rapport aux incitations à consommer.
Jésus invite ses disciples à faire preuve de liberté intérieure vis-à-vis de la possession (de la consommation). Il n'impose pas cette dépossession, mais simplement il déclare que nous est offerts, comme une chance cette renonciation en considération de notre liberté et de celle d'autrui.
Regardez le problème de la croissance économique. En dépit de tous les progrès réalisés, notre société de concurrence et de consommation s'enferre de plus en plus dans ses contradictions. Sa devise est de produire toujours plus pour pouvoir consommer toujours plus, et de consommer toujours davantage pour que la production ne s'effondre pas. Ainsi le niveau de la demande est sans cesse maintenu au-dessus du niveau de l'offre par la publicité. On en veut toujours davantage. De nouveaux besoins sont créés dès que les anciens sont satisfaits. Conséquence inattendue : même avec des revenus réels en croissance constante, le citoyen moyen a l'impression de n'avoir guère de ressources dont il puisse librement disposer et de vivre vraiment au niveau du minimum vital.
Même les économistes partent de l'idée qu'une prospérité croissante crée un bonheur croissant. La consommation devient la manifestation de notre statut personnel. On est ce que l'on consomme. On est plus quand on atteint un niveau de vie plus élevé. On n'est rien, quand on reste au-dessous de la situation assignée au commun des mortels. Bref, si nous voulons un avenir meilleur, il nous faut produire et consommer toujours davantage. Mais, d'autre part, on reconnait de plus en plus que les présupposés de cette loi sont dans une large mesure périmés. Ce n'est plus de vaincre la pauvreté et la pénurie des biens qui devient notre premier souci, car, dans les pays hautement industrialisés, cette condition nécessaire pour une vie humaine est remplie en règle générale. D'autres aspirations se font jour, ainsi qu'un sentiment d'ennui, de malaise face à une existence exclusivement orientée vers la croissance de la consommation.
Enfin, la loi de la croissance économique illimitée crée un fossé de plus en plus large entre pays riches et pays pauvres et exaspère les sentiments d'envie, de ressentiment, de haine mortelle, quand ce n'est pas tout simplement de désespoir et de détresse. Du reste, cette évolution vers "toujours plus" se retourne contre les possédants. Voir les villes victimes de toutes sortes de pollutions, ne serait-ce que du bruit et de l'air vicié ; sans parler du taux de CO², du réchauffement climatique, de la pollution des fleuves et des mers, etc. Pas la peine de préciser davantage !
Que faire dans ces circonstances ? Simplement quelques brèves remarques.
* Le message chrétien ne livre pas de solutions techniques en matière de protection de l'environnement, d'élimination des déchets ou d'améliorations des structures. Le Nouveau Testament ne donne aucune indication sur les moyens de combler le fossé entre pauvres et riches, entre nations industrialisées et pays sous-développés. Le message chrétien ne propose pas de modèles pour résoudre les énormes problèmes que soulève l'économie mondiale.
* Mais le message chrétien peut mettre en évidence une attitude qui n'est certes pas prévue dans la théorie économique, mais qui pourrait avoir une certaine fonction : contre l'obsession de la consommation, il peut proposer la liberté vis-à-vis de la consommation. Ne pas édifier son bonheur uniquement sur la consommation a, en tout cas, un sens. A la lumière de Jésus-Christ, on trouvera une signification dans le refus d'une convoitise illimitée. Le message chrétien propose donc l'esprit de pauvreté, liberté intérieure vis-à-vis de la possession.
Dans quel but ? Pas par ascèse ou obsession du sacrifice. Ni en vertu d'une loi nouvelle et contraignante, mais pour que l'utilisateur normal et paisible des biens reste libre, devienne libre. Pour qu'il ne se vende pas aux bonnes choses de ce monde, qu'il s'agisse de l'argent ou de la voiture, de l'alcool ou du tabac, des produits de beauté ou de la sexualité. Pour que, au milieu de ces biens qu'il utilise, qu'il a le droit d'utiliser, l'homme conserve en définitive son humanité Toutes les fois qu'un individu ou des groupes entiers oublient que tous les biens de ce monde sont faits pour l'homme , et non l'homme pour eux, ils adorent, non Dieu, mais la foule des idoles : Mammon, le pouvoir, le sexe, le travail, le prestige, et ils livrent les hommes à ces dieux inexorables. Ils propagent, dans la société de bien-être et de consommation, l'inhumanité.
Mais toutes les fois qu'un individu ou des groupes entiers maintiennent qu'en toute circonstance les biens de ce monde sont faits pour l'homme, ils contribuent à l'humanisation de la société de bien-être et de consommation. Ils créent alors l'indispensable élite nouvelle qui n'est pas fondée sur le rang social, qui apprend à vivre dans cette société selon une nouvelle échelle de valeurs et qui peut engager, à terme, le processus d'un changement de mentalités. A eux aussi s'applique la promesse : tous les pauvres de cœur obtiendront le royaume des cieux.
Liberté pour servir
Jésus exige de ses disciples un service spontané et sans préséance. Il ne s'agit pas bien sûr de supprimer toute relation de subordination dans la société. Mais ile service mutuel de tous leur est proposé comme une nouvelle chance de la vie en commun.
Prenons le problème de l'éducation. Les programmes, les méthodes et la finalité de l'éducation, comme les éducateurs eux-mêmes, traversent aujourd'hui une crise profonde. Les instances éducatives - famille, école, université - comme les parents, les profs, les éducateurs, sont la cible d'une critique globale et de griefs véhéments. Il leur est reproché, ici d'être trop conservateurs, là d'être trop progressistes ; ici d'être trop politisés, là d'être trop apolitiques ; ici d'être trop libéraux, là d'être trop autoritaires. D'où perplexité et désarroi.
* dans la famille : les parents n'arrivent lus à suivre et se trouent souvent mis hors jeu. Leurs principes d'éducation ne conviennent plus à leurs enfants. D'où incompréhension et méconnaissance, insécurité et souvent volonté maladroite de s'affirmer, conflits d'autorité catastrophiques pour les enfants et la famille?
* a l'école et à l'université : le désaccord s'aggrave entre les prétentions et la réalité. entre une théorie souvent étrangère à la vie et des besoins pratiques qui ont grandi, d'où conflits entre maîtres et élèves. D'où une lutte d'ordre pédagogique et politique entre tous les groupes influents dans la société, et des programmes d'études sans cesse bouleversés. Après l'optimisme né de l'égalisation des chances, voici que surgit l'inquiétude face à la multiplication des obstacles aux études ; voici que déferle le raz-de-marée des étudiants et qu'apparaît le "prolétariat universitaire."
* Et les jeunes, dans tout cela ? Beaucoup réagissent par l'apathie, l'indifférence ou l'écœurement. Trop souvent ils sont condamnés à l'échec. En tant que consommateurs, ils sont traités avec égard et flattés dans leur amour-propre, alors que dans la famille et à l'école ils sont souvent maintenus dan un état de dépendance et de subordination. Alors ils découvrent combien la formation reçue est éloignée de la vie et combien les chances d'avenir professionnel sont minces.
* Et les adultes ? Les principes de l'éducation, hier intangibles et indiscutables, sont aujourd'hui apparemment périmés qu'il s'agisse de l'autorité des adultes, de l'obéissance aux anciens, de la soumission à la volonté des parents. Mais ce ne sont pas seulement les contenus de l'éducation, c'est l'éducation comme telle que contestent une foule de gens. Il faut un virage à 180° pour passer d'un style autoritaire, comme un dressage, à un style antiautoritaire, avec l'autonomie absolue, la liberté sans limites, l'expression libre de l'agressivité, des frustrations, des pulsions. Une tendance lourde se dessine : des deux côtés de la barrière, une fausse conception de l'autorité, ajoutée à l'angoisse et à l'incertitude dans les réactions à l'égard de l'autre camp, crée une atmosphère de pression et de résistance, de refus et d'affirmation de soi, de brutalité et d'agressivité. Or l'école en rejette la responsabilité sur la famille, la famille sur l'école et la société : c'est le cercle vicieux.
Que faire dans cette situation ? Voici quelques suggestions sommaires.
* Le message chrétien ne donne pas de renseignements précis sur une organisation meilleure et plus efficace du système de formation scolaire et professionnelle, sur les cycle d'étude ou les programmes d'enseignement. .
* Mais le message chrétien apporte un éclairage décisif sur l'attitude et les dispositions de l'éducateur vis-à-vis de l'enfant et de l'enfant vis-à-vis de l'éducateur, comme sur le pourquoi de l'engagement. A l'exemple de Jésus-Christ, l'éducateur ne doit jamais obéir à des considérations personnelles de prestige, de pouvoir ou d'intérêt, mais doit toujours être tourné vers ceux qui lui sont confiés. L'éducation doit donc toujours se concevoir comme essentiellement non-répressive, comme un service réciproque sans préséance. Ce qui veut dire que les enfants n'existent pas simplement pour les éducateurs, pas plus que les éducateurs pour les enfants ; que les éducateurs n'imposent jamais leur volonté de façon autoritaire aux enfants, et que les enfants n'imposent jamais leur volonté aux éducateurs. Un service mutuel sans préséance, dans l'esprit chrétien, signifie, pour l'éducateur, un pari pour la bonté, la confiance, le don, la bienveillance, un pari sans condition, auquel la raison ne saurait contraindre et qui ne sera pas remis en question.
Pas question de législation nouvelle : un service sans préséance signifie une ouverture réciproque, une disponibilité à apprendre et à se corriger. Pas question non plus, ici, d'un moralisme qui consisterait à astreindre les enfants à nos propres conceptions morales. Les chrétiens conçoivent le service mutuel sans préséance, dans le processus éducatif, comme un pari pour la confiance, la bonté, le don, le dévouement aux autres, pari qui ne peut être exigé par la raison, mais qui est fondé sur la personne de Jésus. Ce qui est en cause ici, c'est l'amour chrétien du prochain dans sa portée la plus radicale.
Ainsi il est possible de proposer aux jeunes, par un exemple vécu, le sens véritable de la vie ; à savoir que ma vie n'a un sens que si je ne la vis pas pour moi, mais pour les autres. Elle est alors portée, guidée par une réalité plus grande, plus durable, plus parfaite que nous-mêmes, par cette réalité qui nous englobe mystérieusement et que nous appelons Dieu.
L'homme dépassé dans le chrétien.
Pourquoi doit-on être chrétien ? C'est la question que nous avions posée au début de la première séquence, en janvier 2008. Notre réponse, en cette page de conclusion, est tout aussi directe : Pour être véritablement homme. C'est-à-dire :
* Être chrétien, ce n'est pas renoncer à être homme. Mais inversement, être homme, ce n'est pas renoncer à être chrétien. La qualité de chrétien n'est pas à côté, au-dessus ou au-dessous de la qualité d'homme. Le chrétien ne doit pas être un homme divisé.
* La réalité chrétienne n'est donc ni une superstructure ni une infrastructure de l'humain. Elle est le "dépassement" de l'humain. La condition chrétienne signifie donc un "dépassement" des autres humanismes. Tout humanisme est rejeté s'il refuse la réalité chrétienne, le Christ lui-même. Tout humanisme est surpassé dans la mesure où être chrétien, c'est être pleinement capable d'intégrer l'humain-trop humain.
* Les chrétiens ne sont pas moins humains que les humanistes. Mais ils voient l'humain, l'humain véritable, ce qui est digne de l'homme, ils voient l'homme et son Dieu, ils voient l'humanité, la liberté, la justice, la vie, l'amour, la paix, le sens, à la lumière de Jésus qui est pour eux la norme concrète, le Christ. Ils soutiennent un humanisme radical : ils assument non seulement tout ce qui est positif, mais également tout ce qui est négatif, y compris la souffrance, la faute, la mort et l'absurdité.
* En se tournant vers Jésus-Christ, crucifié et vivant, l'homme est prêt, même dans le monde d'aujourd'hui, non seulement à agir, mais aussi à souffrir ; non seulement à vivre, mais aussi à mourir. Et la lumière d'un sens l'éclaire même là où la pure raison doit capituler, même dans la détresse absurde et la faute parce qu'il se sait, même là, soutenu par Dieu. La foi en Jésus Christ réconcilie avec Dieu et avec soi-même, mais n'élimine pas les problèmes du monde. Elle rend l'homme vraiment humain, parce que vraiment solidaire des autres hommes .
En conclusion : En marchant à la suite de Jésus Christ, l'homme peut, dans le monde d'aujourd'hui, vivre, agir, souffrir et mourir de façon vraiment humaine : dans le bonheur et le malheur, au cours de sa vie et à l'heure de sa mort, soutenu par dieu et prêt à servir les hommes.