THÉOLOGIE "POUR LES NULS"
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Cette année 2014 :
NOS PERES DANS LA FOI
4 - CYPRIEN de Carthage
(avril 2014)
Bonne nouvelle : notre équipe de rédaction de MURMURE s'agrandit. Plus exactement s'enrichit. Vénuste LINGUYENEZA, spécialiste des Pères de l'Eglise, accepte de nous présenter cette année quelques-uns de nos "Pères dans la Foi". Nous l'en remercions. Vénuste est un ami. Il est originaire du Rwanda, qu'il a quitté à la suite du terrible génocide de 1994. Actuellement, il vit en Belgique ; plus précisément il est curé-doyen de Waterloo. Malgré sa charge de travail, il accepte de nous faire partager ses connaissances en la matière. Vous verrez : c'est passionnant.
I - Cyprien de Carthage - sa vie
Thascius Caecilius Cyprianus est né à Carthage vers l’année 200, de parents païens, très probablement berbères. Fils de sénateur, il est né d’une famille riche et cultivée qui lui fit faire d’excellentes études si bien qu’il fut à Carthage un brillant avocat (rhéteur) et un maître d’éloquence. Il venait souvent dans les tribunaux pour défendre ses concitoyens ; il enseignait la rhétorique et la philosophie à l'école de Carthage. On pense qu’il se destinait à faire carrière dans l’administration, tant il est au courant du droit public et des idées politiques.
Cyprien se rappellera par la suite que longtemps, « il demeura dans un épais et obscur brouillard... loin des lumières de la Vérité ». Sa fortune, reçue de ses parents et de son travail, fut dépensée en somptueux banquets, mais cela n'arriva pas à étancher sa soif de vérité. Il en vint à découvrir les écrits de l'Apologiste Tertullien, et devint convaincu de la vérité du christianisme. Il se convertit en 245, gagné au christianisme par le prêtre Cæcilianus (ou Caecilius). A l'âge de 46 ans, il fut reçu dans la communauté chrétienne comme catéchumène. Avant de recevoir le baptême, il vendit ses vastes et belles propriétés, en donna le prix aux pauvres et emménagea dans la maison du prêtre Cæcilianus. Il fut baptisé et prit le prénom de celui qui l’a aidé à se convertir.
Benoît XVI, dans son audience générale du 6 juin 2007, a parlé de cet éminent évêque africain du 3ème siècle qu’était saint Cyprien, « premier évêque à mériter la couronne du martyre en Afrique ». Le Pape a tenu à le citer quand il raconte lui-même son itinéraire spirituel :
« Alors que je gisais encore comme dans une nuit obscure, (écrivait-il quelques mois après son baptême), il m’apparaissait extrêmement difficile et épuisant d’accomplir ce que me proposait Dieu dans sa miséricorde. […] J’étais lié par les multiples erreurs de ma vie passée et ne croyais pas pouvoir m’en libérer, tant je me complaisais dans les vices et m’abandonnais aux mauvais penchants. […] Mais finalement, quand les eaux de la régénération eurent nettoyé les impuretés de ma vie passée, la lumière se répandit d’en haut dans mon cœur et l’Esprit me transforma en homme nouveau par une seconde naissance. Alors d’un coup, d’une manière miraculeuse, la certitude remplaça le doute. […] Alors il fut possible de reconnaître que ce qui en moi était né de la chair et avait vécu dans le péché était terrestre, mais que ce que l’Esprit Saint avait vivifié venait de Dieu » (A Donat, 3-4).
Deux ans après son baptême, Cyprien fut ordonné prêtre. Quand l'évêque Donat de Carthage mourût, malgré une vive opposition d’une petite poignée de prêtres, Cyprien fut élu évêque de Carthage « par la voix du peuple ». Progressivement, il devint, par son influence, chef de l'Église d'Afrique.
La persécution éclate sous l’empereur Dèce en l’année 250. Pour échapper à la mort, il fallait se plier à l’ordre de sacrifier aux dieux romains et à l’empereur qui prétendait être une divinité. Cyprien ne veut évidemment pas sacrifier à l’empereur, mais il n’est pas suicidaire non plus : il suit le conseil du Seigneur (Mt 10, 23) et prend la fuite (il sera critiqué pour cela par ses adversaires). Il se cache dans les environs de Carthage. Pendant les 14 mois de son exil volontaire cependant, il continue de s’occuper de tout, spécialement par ses lettres. Il s’occupe surtout des questions qui risquaient de créer des divisions dans l’Eglise. Il traite de la question des « lapsi » (1), il gère la révolte des « confesseurs », il déjoue le schisme de Novatien à Rome et celui de Novat à Carthage, il parle de la question de la validité du baptême donné par les hérétiques. Son œuvre écrite est suscitée par toutes ces disputes : Cyprien n’a pas écrit de traité de théologie systématique au sens strict du mot, il répondait aux besoins du moment. Son œuvre est l’œuvre d’un pasteur qui veut éclairer et guider le peuple chrétien.
L’empereur Dèce meurt en 251. À Pâques 251, Cyprien est de retour à Carthage. En mai 251, il convoque un synode pour régler la question des « lapsi ».
De 252 à 254, une peste sévit en Afrique. Des centaines de gens fuirent hors de la ville, abandonnant les malades sans aide, et les morts sans sépulture. Comme il faut toujours un coupable et que souvent les calamités sont expliquées comme des châtiments divins, à l’époque, les chrétiens servaient de boucs émissaires : on les retenait responsables de la colère des dieux et donc des malheurs qui arrivaient par leur impiété, puisqu’ils ne sacrifiaient pas aux idoles. Cyprien exhorte cependant les chrétiens à apporter leur aide fraternelle aux païens et montre lui-même l’exemple de l’héroïsme en organisant les secours, en s'occupant des malades et en enterrant lui-même les morts, pas seulement les chrétiens mais aussi les païens. La peste fut de plus accompagnée d'une sécheresse et d'une famine. Une horde de barbares Numides, profitant de cette catastrophe, se jetèrent sur les habitants, les emmenant en captivité. Cyprien exhorta les riches Carthaginois à lui offrir les moyens de nourrir les affamés et racheter les captifs.
Une nouvelle persécution fut provoquée par l’empereur Valérien qui promulgua un édit contre les chrétiens. Cette fois-ci, Cyprien ne prend pas la fuite. Le proconsul carthaginois Paterne lui ordonna d'offrir le sacrifice aux idoles. Il refusa fermement. Il refusa aussi de donner les noms et adresses des presbytres de l'Église de Carthage. Il est condamné à l’exil le 30 août 257. De retour à Carthage au bout d’un an d’exil, Cyprien apprend la menace de mort qui pèse sur lui mais il refuse de se mettre à l’abri. Il fut condamné à la décapitation par l'épée. Entendant la sentence, Cyprien s'écria : « Grâces soient rendues à Dieu ! » Comme le bourreau tremblait, le martyr l’encouragea avec bonté et lui fit remettre vingt-cinq pièces d’or ; puis il se banda lui-même les yeux et présenta sa tête, qui roula bientôt sur le sol baigné de sang. Il fut décapité avec plusieurs de ses compagnons ecclésiastiques. C’était le 14 septembre 258. Il est le premier évêque africain martyr. Jusqu’à saint Augustin, il est l’autorité la plus consultée et citée, il est le grand témoin de la doctrine de l'Église latine des premiers siècles.
Sa vie est connue par une biographie, la « Vita Cypriani », écrite par le diacre Pontius : c’est la plus ancienne biographie chrétienne connue. On a aussi conservé les Actes proconsulaires de sa « passion » avec les comptes rendus authentiques des interrogatoires.
(1) - les LAPSI : je vous en parlerai longuement le mois prochain. C'est très important.
(A suivre, début mai)