THÉOLOGIE "POUR LES NULS"

 

            

       Cette année 2014 : 


NOS PERES DANS LA FOI

 

SAINT AUGUSTIN

( par Gilles Brocard )

 


 

 

 

 

3eme partie : Augustin découvre Dieu

 

Vous imaginez bien qu’Augustin n’a pas eu la révélation du mystère trinitaire, comme ça, le jour de sa conversion : comme pour nous, c’est le fruit d’une lente et longue maturation, sur de longues années, et c’est en en puisant dans la philosophie et la poésie de l’époque qu’Augustin va petit à petit élaborer sa pensée géniale de la Trinité.

Ce chemin nous dit quelque chose de notre propre cheminement de foi : la connaissance de Dieu demande du temps et du travail, de la réflexion et de la méditation, des débats avec les autres croyants et non croyants. Car il ne faut pas penser que les hérétiques étaient d’affreux athées qui luttaient contre le christianisme, non, ils étaient au contraire de très bon chrétiens, souvent prêtres ou évêques qui affirmaient des choses sur Dieu au nom de leur foi. Voilà pourquoi, durant cette partie, nous prendrons le temps de repérer le chemin qu’a emprunté Augustin pour penser un Dieu trin, au milieu de ses différents combats avec les hérétiques.

 

A) Le Dieu de l'enfance :

 

Bien que le 1er Credo fut promulgué à Nicée en 325, (c’était déjà une grande avancée), il continuait à courir de nombreuses hypothèses sur Dieu, Jésus, et l'Esprit Saint, bref, l’Eglise de l’époque était loin, très loin d’avoir l’unité de pensée qu’elle connaît aujourd’hui. Le christianisme, dès l’origine de son existence, dût se défendre pour exister : tout d’abord contre deux ennemis du dehors : le judaïsme et le paganisme, mais aussi contre deux ennemis du dedans : le gnosticisme et le montanisme : les premiers se faisaient les protagonistes d’un christianisme adapté au monde, les seconds eux prêchaient au contraire la fuite complète du monde.

D'autres affirmaient que le Dieu de l’Ancien Testament était un Dieu différent de celui du Nouveau Testament, (les Marcionites), d'autres encore, comme cette curieuse communauté des Abeloïtes adoptaient des enfants pour honorer la virginité d'Abel. Il y avait encore quelques restes d’arianisme : grande hérésie du siècle précédent (256-336) refusant l’égalité du Fils avec le Père, le Christ n’étant pas vraiment Dieu, mais un dieu intermédiaire entre Dieu le Père et les hommes, l’Esprit Saint étant une créature du Christ, encore moins divine que lui.

Bref, c'est dans cette ambiance que St Augustin grandit. Il faut quand même dire que même s'il n'était pas baptisé, Augustin était chrétien de naissance, "il avait bu le nom du Christ avec le lait de sa mère" dit-il (cf Conf III, 4,8) et il avait bénéficié par sa mère Monique, d'une catéchèse élémentaire : "j'avais entendu parler, étant enfant, des promesses de la vie éternelle grâce à l'humilité du Seigneur notre Dieu descendant vers notre orgueil et j'étais signé de la croix" (Cf Conf I, 11, 17). Comme à l'époque, le baptême des petits enfants n'était pas encore en pratique, on signait l'enfant à la naissance, on le présentait à la communauté chrétienne, on faisait le rite du sel et de l'accueil, mais on le baptisait plus tard, à l’âge adulte. On sait qu'Augustin tout jeune, faillit mourir et recevoir le baptême par urgence, mais il se rétablit "avant d'être lavé au sacrement du salut" comme il le dit lui-même (Conf I, 11, 17).

Ainsi, tout petit Augustin apprit à prier comme les grandes personnes, il comprenait que Dieu était grand, capable de nous secourir et de nous entendre. Il est fort probable qu'Augustin partageait tranquillement avec le commun des chrétiens de son entourage l’attitude propre à l'enfance : c’est-à-dire se représenter un Dieu à partir de forme, d'images humaines. Mais il faut bien dire que Dieu n'était tout de même pas la préoccupation première d'Augustin adolescent jusqu'à sa 19ème année. Augustin avait le sentiment, comme nombre d'intellectuels antiques, que la Bible était un livre « barbare », trop souvent irrationnel, incompréhensible pour tout esprit humain désireux de parvenir à la sagesse, bref, un livre culturellement inférieur aux grandes œuvres de l'Antiquité gréco-romaine. Pour lui, le christianisme était une religion bonne pour les incultes.

 

         B) Le Dieu imaginaire :

Sa découverte de la philosophie le libéra de la tentation de l'anthropomorphisme qui consiste à enfermer Dieu dans des comportement humain  : "Je ne te concevais pas Ô mon Dieu sous la forme d'un corps humain,  depuis que j'avais commencé à entendre parler quelque peu de la sagesse" (cf conf VII, 1,1) Mais c'est là qu'Augustin tombe dans le manichéisme : un autre secte très « tendance » de l’époque : Née au tournant du 3ieme et 4ieme siècle, cette hérésie provient de Mani, né en 216 à Babylone, pour qui, le Mal est une substance corporelle ; l'Esprit, un corps répandu dans l'espace. Ce dualisme expliquait les désordres du monde vivant. Pour échapper à ce mal matériel, les manichéens prônaient un ascétisme rigoureux, car l'idéal de toute vie parfaite (selon eux) était d'arriver à dégager de la matière qui les entoure, les parcelles de lumière qui se trouvent en chacun. Tout est dual, le bien et le mal, la nuit et le jour, les forces maléfiques et les forces divines, etc…

Mais Augustin fut vite déçu : (cf conf V 14,25) : "si j'avais pu concevoir une substance spirituelle, aussitôt cette construction des manichéens, eût été disloquée et balayée hors de mon esprit, mais je ne le pouvais pas". C'est la prédication d'Ambroise de Milan qui lui fit découvrir, par l’interprétation spirituelle des écritures, un Dieu de façon spirituelle et non plus anthropomorphique. Quand il fut libéré de la pensée manichéenne, il se réfugia dans  une pensée de Dieu répandu à travers les espaces infinis de tous les lieux : cf VII, 14, 20 : "mon âme se mit à se fabriquer un dieu en des étendues infinies qui embrassait tous les lieux" un Dieu pénétrant la masse du monde comme une masse infini baignant le monde fini, (proche de la pensée stoïcienne). Augustin vivait dans un état de confusion intellectuelle où se bousculaient ces différentes conceptions de Dieu (anthropomorphique, manichéenne et stoïcienne) et à chaque fois, son esprit était envahi par l'imagination. (Cf VII, 1,1 :« je m’efforçais de chasser ce tourbillon d’immondice loin de mon esprit. à peine détournée, la masse (de mon imagination) revenait en clin d’œil, s’engouffrait dans mon regard et m’obnubilait. J’étais forcé de penser si ce n’est à la forme d’un corps humain, à quelque corps situé dans l’espace ou répandu à travers le monde ou hors du monde, diffus, à l’infini… »

 

C)  Plotin conduit Augustin à découvrir Dieu :

 

Dans les chapitres 6 et 7 du livre VII des confessions, on reconnaît chez Augustin, l’influence platonicienne, et particulièrement de ce grand philosophe romain du 3ieme siècle nommé Plotin, qui commente Platon à travers le prisme religieux. Augustin l’a lu et s’en inspire pour écrire ses premières paroles sur Dieu, il avoue même que c’est grâce à Plotin (sans le nommer précisément) qu’il a découvert les merveilles de Dieu. Mais il montre bien les limites de Plotin et de sa pensée :

 (Cf confessions, livre VII chp 9) : "Or j'ai lu dans les livres platoniciens, non pas, bien sûr, mot pour mot, mais suggéré tel à s'y méprendre, par maintes sinueuses raisons, que dans le principe était le Verbe, et que le Verbe était en Dieu et que le Verbe était Dieu; qu'ainsi dans le principe était-il en Dieu; que tout par lui a été fait et que sans lui rien ne s'est fait; que ce qui a été fait est vie en lui et que la vie était la lumière des hommes; que la lumière luit dans les ténèbres et que les ténèbres ne l'ont point saisie; que l'âme de l'homme, quoiqu'elle rende témoignage sur la lumière, n'est pourtant pas en soi la lumière, mais que le Verbe, en tant que Dieu, est la lumière vraie, qui établit dans la lumière tout homme venant en ce monde; qu'il était en ce monde et que le monde a été fait par lui et que le monde ne l'a pas connu. 

      Mais qu'il est venu en ses propres biens et que les siens ne l'ont point reçu; mais qu'à tous ceux qui l'ont reçu, il a donné pouvoir de se faire les fils de Dieu, du moment qu'ils croient en son nom : voilà que je n'y ai pas lu.

      J'y ai lu aussi que le Verbe, en tant que Dieu, est né non de la chair, non du sang, non du vouloir de l'homme, non au vouloir de la chair, mais de Dieu. Mais que le Verbe s'est fait chair et qu'il a habité parmi nous: voilà que je n'y ai pas lu. J'ai bien dépisté dans ces livres, sous différents mots, en de nombreux tours, que le Fils, étant en la forme du Père, n'a pas tenu pour un vol d'être l'égal de Dieu, car il est en nature identique. Mais qu'il s'est personnellement anéanti en prenant la forme du serviteur, se mettant à la ressemblance de l'homme et par son maintien se découvrant homme et qu'il s'est humilié, se faisant obéissant jusqu'à la mort, jusqu'à la mort de la croix, et que Dieu, à cause de cela, l'a exalté d'entre les morts et lui a conféré un nom qui est par-dessus tout nom, afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur terre, aux enfers et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est en la gloire de Dieu le Père, ces livres ne le contiennent pas."

 

Commentaires :

On voit bien dans ce texte d'Augustin où il fait lui-même la comparaison, qu'il a vu les ressemblances mais aussi et surtout les différences entre Plotin et le christianisme. C'est l'incarnation. On retrouve là les accents d'une autre hérésie courante à l'époque d'Augustin : c'est le pélagianisme. Pélage naquit en Bretagne vers l'an 354 (comme Augustin), cultivé, écrivain, baptisé en 380 à Rome. Ils affirmaient que l’homme avait la possibilité de ne pas pécher, et de se conduire parfaitement selon les commandements de Dieu s’il utilise bien son libre arbitre. Cette capacité, pensent-ils est inhérente à la nature humaine niant par la même l’action de Dieu qui sauve l’homme par sa grâce. Bref, il insistait trop sur le salut qui s’obtient par les œuvres et non par la grâce de Dieu. Pélage était trop catholique si j'ose dire et pas assez protestant : il surestimait la collaboration humaine à l'œuvre de la Rédemption, sous-estimant du même coup la grâce de Dieu. Ils subordonnaient l'action de Dieu à la liberté de l'homme. Dieu ne peut agir que si l'homme lui en donne l'occasion.

          Toute l'expérience personnelle d'Augustin s'inscrivait en faux contre cette théorie : pour lui, l'homme est pécheur, seul (sans Dieu) il ne peut rien. Il savait aussi que sa conversion n'était pas due à ses seuls efforts, mais à la grâce de Dieu qui le libéra des entraves que son cœur et sa raison continuaient de susciter. Ainsi, partant de l'expérience personnelle de sa propre conversion, Augustin développa une théologie de la grâce : Avec son habituelle finesse d'analyse psychologique, Augustin montre qu'au point de départ de nos décisions, dites libres, il y a des forces secrètes, indépendantes de notre volonté. C'est Dieu qui agit sur nous et son action accompagne sans cesse l'action de l'homme. En affirmant la primauté de la grâce, il ne supprime pas pour autant la liberté. Il affirme simplement, que le libre arbitre suffit pour faire le mal, mais n'est pas capable, à lui seul, de parvenir au bien. Le secours de Dieu est nécessaire, sous forme d'une grâce prévenante, pour accompagner, soutenir, nourrir l'action de l'homme vers le Bien.

          Pour Augustin l'homme est d'autant plus libre qu'il est plus docile à la grâce et à la miséricorde de Dieu. Certes, l'homme doit coopérer sans cesse à cette action divine en lui, mais la grâce sera toujours nécessaire pour conduire l'exercice de sa liberté. 

Mais revenons, après ce détour au travers de l'hérésie pélagienne à l'évolution de la perception de Dieu par Augustin : Augustin va faire un retour sur lui-même et entrer dans l'intimité de son être, pour découvrir en lui, Dieu plus grand que lui, Dieu qui lui donne de voir par lui-même. Cf. chp 10, 16 du livre VII : "Ce me fut là un avertissement à revenir à moi : J'entrai donc au fond de mon être sous ta conduite. Si je l'ai pu, c'est que tu t'es fait mon aide. J'entrai et vaille que vaille, avec l'œil de mon âme je vis par-dessus ce même œil de mon âme, par-dessus ma raison  une lumière sans changement. Non pas cette lumière commune à la portée de tout regard charnel, et non pas davantage une lumière quasi du même genre dont la clarté incomparablement plus vive eut tout recouvert de sa grandeur. Non, La lumière dont je parle (…) était au-dessus de moi comme l'auteur de mon être et moi par dessous elle comme son ouvrage. (…)

         Ô éternelle vérité, ô véritable charité, ô chère éternité tu es mon Dieu. Vers toi je soupire, le jour, la nuit. Aussitôt que je t'ai connue tu m'as toi levé à toi, pour me faire voir qu'il y avait quelque chose à voir sans que je fusse encore en mesure de voir. (…) J'aurais plus facilement douté de ma vie que de l'existence d'une vérité visible à travers les êtres créés."

 

 Commentaires :

         Augustin parle d’une autre lumière que celle de l’intelligence, il va reconnaître que cette lumière ne vient pas de lui, être faible, incapable de comprendre Dieu, mais que cette lumière lui est donnée. Il se découvre limité, faible, et incapable de comprendre ce grand mystère de Dieu que dans l’humilité, et non par la force de la réflexion philosophique, et il découvre qu’il a tout reçu de Dieu par grâce même sa recherche et que Dieu est déjà présent en lui qui colore tout le reste, toute démarche.

Revenir à moi-même : Augustin tire la leçon des livres de Plotin : faire une démarche fondamentale de retour sur soi, car Dieu est au plus profond de soi.

Sous ta conduite et ton soutien : là Augustin se démarque de Plotin et dit très vite que cette démarche est guidée par Dieu lui même.

         Suit une description de la transcendante en terme de lumière : expérience personnelle de st Augustin qui place la lumière au delà de nous mêmes pour bien dire qu’elle ne vient pas de nous (ou de notre intelligence) mais de Dieu.

O éternelle vérité, ô véritable charité,  ô chère éternité : allusion discrète à la Trinité. Tu m'as levé à toi : grande différence avec Plotin : l’humilité du sujet pensant, chemin nécessaire pour voir Dieu, c'est Dieu qui élève. J’aurais plus facilement douté : belle expression pour dire l’assurance (et non la certitude) que donne la foi en Dieu : la vérité se donne à voir à l’intelligence (et non l’inverse).

 

D) Découverte du Dieu de Jésus-Christ

 

           La voie est alors libre pour qu'Augustin découvre le Christ, comme le médiateur entre Dieu et l'homme. Passage nécessaire pour aller à Dieu  « nul ne va vers le Père sans passer par moi » (Jn 14,6). Médiateur et pédagogue le Christ est le seul capable de nous faire comprendre Dieu correctement : en se mélangeant à notre chair pour que comme du petit lait, il nous permette de boire (c’est-à-dire de comprendre de l’intérieur la sagesse divine.

Cf confessions livre VII, 18, 24 : « JE CHERCHAIS ALORS la voie pour acquérir la vigueur qui me rendrait capable de jouir de toi, et je ne trouvais pas, tant que je n’avais pas étreint le médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni pour les siècles ; il appelle et dit : « Moi, je suis la voie, la vérité, la vie », et la nourriture que je ne pouvais prendre, faute de force, il la mélange à la chair car le Verbe s'est fait chair, afin que ta Sagesse, par qui tu créas toutes choses, devînt du lait pour notre enfance.

          Humble, c’est ce que je n’étais pas, pour saisir mon Dieu, et ce que signifie Jésus en son humilité, ni ce qu'exige sa faiblesse. Oui, ton Verbe, l'éternelle Vérité, qui domine de loin les parties les plus hautes de ta création, élève à lui ceux qu'il lui sont soumis, mais s’abaissant dans notre monde, il s'est bâtit une humble demeure avec notre fange (limon) pour faire sortir les hommes de leur orgueil sous sa pression et faire passer à lui tous ceux qu’il doit soumettre, en guérissant leur enflure et en nourrissant leur amour ; tout cela pour que la confiance en eux même ne les fasse pas s’écarter davantage, mais pour qu’ils s'accommodent plutôt d'être faibles, quand ils voient la divinité faible à leurs pieds, partageant notre tunique de chair, afin que, de lassitude, ils s'étendent par terre en face d'elle et qu'elle, se dressant, les relève.

         19(25) Mais, à propos du Christ mon maître, j'avais en tête bien autre chose : l'idée seulement d'un homme éminent en sagesse, sans rival possible, étant donné surtout que sa merveilleuse naissance virginale semblait, par une attention de Dieu sur nous, l'avoir si dignement accrédité qu'il servît d'exemple à mépriser les choses du temps pour acquérir l'immortalité. Mais quel mystère expriment les mots : « Verbe fait chair », je ne le soupçonnais même pas.  D'après ce qu'en rapportent les livres, qu'il a mangé et bu, dormi, cheminé, éprouvé gaieté et tristesse, tenu des conversations, je m'étais seulement rendu compte que cette chair ne tenait à ton Verbe que jointe avec une âme et une pensée d'homme.

 

Commentaires :

           Après le passage nécessaire par le Christ pour comprendre Dieu correctement, la 2ème condition pour « posséder Dieu » c’est d’être humble comme le Christ lui-même est humble. Magnifique image d’un Dieu qui s’abaisse pour nous relever. On peut voir dans cette image, l’ascenseur de la petite Thérèse. A ce propos Augustin dû lutter encore contre une hérésie qui allait à l'encontre de cette humilité : les donatistes. Issu de la grande persécution de Dioclétien au début du IVe siècle, le parti donatiste regroupait, les opposants à l'Église officielle jugée trop laxiste. Partisans de la rigueur envers ceux qui avaient trahi, répudié leur foi lors de la persécution, les donatistes érigèrent une Contre-Église, développant une hiérarchie parallèle, et procédèrent à des « rebaptêmes ». Elle prétendait être la seule Église des Purs et des Saints. Pour eux, "seule l'Afrique sent bon, le monde entier est une puanteur". Quand Augustin arriva comme évêque, La ville d'Hippone était presque entièrement aux mains des Donatistes. Pour eux, seul un ministre saint peut donner un sacrement valide donc porteur de grâce.

Si Augustin avait été séduit par les manichéens, rien chez les donatistes n'était fait pour attirer sa sympathie. L’Église donatiste est comme une arche de Noé, dit st Augustin : "bien goudronnée à l'intérieur pour ne pas laisser échapper les eaux salutaires du baptême, et bien goudronnée à l’extérieur pour ne pas laisser entrer les eaux souillées du dehors".

Leur problème, dit-il, c'est qu'ils prennent la place du christ. "Ils s'attribuent ce qu'ils ne sont pas et s'élèvent orgueilleusement en pensant être quelque chose, alors qu'ils ne sont rien, ils cherchent leurs propres intérêt et non ceux de Dieu". (Traité sur st Jean 10, 6). Pour Augustin, c'est le Christ qui baptise, les prêtres ne sont que des ministres. Ainsi, les ministres quels qu'ils soient, n'ont pas un pouvoir mais un service à exercer, et toute leur grandeur consiste à être des serviteurs, comme les autres, avec les autres et pour les autres. Augustin reproche aux donatistes de ne pas reconnaître le baptême catholique, alors que lui reconnaissait le baptême donatiste car c'est toujours le christ qui baptise.

Le problème est la différence de conception de la pureté : pour les donatistes, c’est la pureté des membres qui fait la pureté du corps c'est-à-dire que c’est la pureté des ministres qui garantit la pureté de l’église. Or pour Augustin c’est l’Eglise qui est pur, car elle a pour tête le Christ qui est pur, et les membres du corps sont purifiés par la tête, donc par le Christ. La pureté advient quand on appartient aux corps qui lui-même, est relié à la tête.

A la fin de ce passage, nous pouvons percevoir la grande découverte d’Augustin : Dieu est un Dieu qui s’est incarné en la personne de Jésus Christ ! Et cela l’invite à incarner sa foi : D'après ce qu'en rapportent les livres, qu'il a mangé et bu, dormi, cheminé, éprouvé gaieté et tristesse, tenu des conversations, je m'étais seulement rendu compte que cette chair ne tenait à ton Verbe que jointe avec une âme et une pensée d'homme. » Augustin pressent l’importance de lier le corps, l’âme et le mental quand on parle de la foi, de spiritualité, sinon elle n’est pas incarnée. C’est dans tout notre corps, notre âme et notre mental que Jésus veut imprimer sa douce présence et insuffler sa grâce ! A nous, comme Augustin de le laisser prendre chair en nous, dans toutes les dimensions de notre être.

 

Conclusion :

 

Voilà, depuis 3 mois, je vous ai présenté St Augustin : un homme passionnant et passionné, qui a dû cheminer pour découvrir Dieu, dialoguer avec les autres penseurs de son époque, avec les hérétiques.

C’est une invitation pour nous aujourd’hui à penser Dieu en dialogue avec le monde d’aujourd’hui, avec les croyants et les incroyants, ceux qui pensent différemment de nous et qui par ce dialogue, nous aident à penser par nous-mêmes. Le Christ seul est la Vérité, c’est par le dialogue que nous pourrons tendre progressivement vers cette Vérité que nous ne posséderons jamais complètement. 

La prochaine fois, je vous propose de prendre Augustin comme guide pour apprendre avec lui à lire la Bible.

 

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