Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le."
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août - LA TRANSFIGURATION DU SEIGNEUR
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 9, 2-10
Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l'écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d'une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et ils s'entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : " Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ; dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. " De fait, il ne savait que dire, tant était grande leur frayeur. Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée, une voix se fit entendre : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le." Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux.
En descendant de la montagne, Jésus leur défendit de raconter à personne ce qu'ils avaient vu, avant que le Fils de l'homme soit ressuscité d'entre les morts. Et ils restèrent fermement attachés à cette consigne, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : "ressusciter d'entre les morts."
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Des expériences vitales
On a coutume de dire qu'à la différence de toutes les autres religions, le Judaïsme, le Christianisme et l'Islam sont des religions révélées, c'est-à-dire des religions où Dieu se révèle, se fait connaître. C'est vrai que les autres religions n'ont jamais eu cette prétention, et qu'elles sont la plupart du temps la réponse aux grandes aspirations religieuses de l'humanité, ou le fruit des divinisations des forces de la nature. Par contre, et Saint Pierre, dans l'extrait de sa deuxième lettre que nous lisons aujourd’hui, nous le rappelle, "nous n'avons pas eu recours aux inventions des récits mythologiques, mais nous l'avons vu (le Seigneur) nous-mêmes dans sa grandeur". C'est tout le contraire d'une religion : c'est le fruit d'une expérience dont il a été le témoin qu'il nous rapporte : il a vu le Christ transfiguré. C'est la base de sa foi.
Israël
Il en est de même du Judaïsme. Il est le fruit d'une expérience, l'expérience qu'a fait un petit peuple. Ou, plus exactement, il y aura toujours une tension très forte entre la tentation humaine de ce peuple d'en revenir aux bonnes vieilles religions pour se concilier les forces de la nature, et l'appel des "témoins", Moïse et les prophètes, à ne faire confiance qu'au Dieu-Libérateur qui se révèle à eux. Au point de départ, il y a le buisson ardent. Un Dieu qui dit son nom : "Yahweh", "Celui qui est" et qui, voyant la misère de ce petit peuple d'esclaves, envoie Moïse pour le libérer. Expérience que fait un homme, Moïse, expérience que tout un peuple va faire d'un Dieu présent à son histoire, qui va le libérer "à main forte et à bras étendu", qui va prendre soin de lui dans le désert, le conduire, le nourrir, transformer ce ramassis d'individus en un peuple fort et structuré, lui donner sa loi, rectifier sans cesse les déviations. Expérience que tout un peuple a pu faire quotidiennement, d'un Dieu intervenant dans son histoire collective, dans l'histoire personnelle de chacun, d'un Dieu "plein d'amour et de fidélité". Cette expérience, c'est toute L'Histoire Sainte. Et pourtant, ces gens ont eu souvent la tentation d'en revenir à la religion formaliste des peuples qui étaient leurs voisins : culte des divinités agraires, les "Baals" en particulier. C'est tout le combat que mènera le prophète Élie contre les prêtres des faux-dieux, avant de fuir au Sinaï pour échapper à la fureur des autorités de son pays.
Moïse et Élie
Moïse et Élie vont être, au cœur de ce peuple, les témoins privilégiés du Dieu Vivant. Tous deux auront ce privilège de rencontrer Dieu "face à face". Moïse, descendant de la montagne après avoir joui de l'intimité divine pendant quarante jours, a le visage tellement rayonnant que les gens ne peuvent pas le regarder. Quant à Élie, Dieu lui fait une révélation particulière : il tient à lui indiquer qu'il n'est pas le fruit de l'imagination des hommes qui, de tout temps, ont divinisé les forces cosmiques. Se succèdent, devant l'entrée de la caverne où Élie s'est réfugié, la tornade, le tremblement de terre, le feu. Mais Dieu n'est pas dans des éléments naturels. C'est quand passe une brise légère qu'Élie se voile le visage, car il sait qu'enfin, c'est son Dieu qui passe et qui lui parle.
Qui est cet homme ?
Donc, plutôt que de parler de "religion", il faut parler d'expérience religieuse. Et donc d'expérience de foi. Un Dieu-parmi-les-hommes, tout proche et en même temps tout autre, c'est l'expérience que Pierre, Jacques et Jean ont fait au jour de la Transfiguration, mais que tous les autres disciples ont pu faire tout au long de la vie terrestre de Jésus ; expérience qu'il nous est donné de faire, nous aussi, si nous voulons vraiment nous dire croyants.
"Qui est cet homme ?", telle est la question que les disciples ont été amenés à se poser quotidiennement. Ce Jésus qu'ils voyaient tellement humain, tellement proche d'eux, soumis aux mêmes contraintes qu'eux : la fatigue, la faim, la soif, par exemple, ils le voyaient faire des signes tellement extraordinaire qu'il leur fallait bien se poser la question : il guérissait les malades, chassait les démons, calmait la tempête, ressuscitait des morts..."Qui est cet homme ?", se disaient-ils. Il leur a fallu du temps pour qu'un jour ils puissent répondre : "Il est "Dieu-parmi-nous". Il a fallu qu'ils le voient ressuscité. Jusque-là, ils sont passés par des alternances de foi et de doute, d'exaltation et de découragement. Avant qu'ils ne deviennent des témoins capables d'aller crier sur les toits la Bonne Nouvelle, il a fallu des mois. Il a fallu surtout l'irruption de l'Esprit-Saint, de l'Esprit de Jésus-Ressuscité au plus profond d'eux-mêmes.
Le Christianisme n'est pas une religion. Il est une foi. C'est-à-dire que nous avons à faire, comme les disciples, l'expérience de l'irruption du Tout-Autre dans notre histoire personnelle. Vivre notre vie, lire notre propre histoire et l'histoire de notre temps comme une "Histoire Sainte". Expérimenter chaque jour la présence active, aimante, fidèle, du Dieu de Jésus-Christ, de son Esprit, dans tous les événement de notre vie. Nous apprendrons alors à "fixer notre attention sur la Parole, comme une lampe brillant dans l'obscurité, jusqu'à ce que paraisse le jour et que l'étoile du matin se lève en nos cœurs". (2 Pierre)
(Et si ces quelques réflexions jetées à la hâte avant de partir en vacances ne vous inspirent pas, cherchez donc aux Archives de ce site. Vous y trouverez, à chaque 2e dimanche de Carême, des homélies sur la merveille de la Transfiguration du Seigneur.)